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Joseph Deiss, un guide pratique4 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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Le Regard Libre N° 48 – Nicolas Jutzet

L’ouvrage de l’ancien conseiller fédéral Joseph Deiss Quand un cachalot vient de tribord… Récits d’une Suisse moderne publié aux Editions de l’Aire est une petite merveille pour toute personne dotée d’une curiosité politique. Il fourmille d’anecdotes, de réflexions savoureuses et de rappels qui permettent une mise en contexte de l’histoire récente de notre pays.

En nous permettant de plonger à l’intérieur d’un parcours pour le moins marquant, il nous livre une partie de l’envers du décor. De ce que l’on ne voit pas, ou si peu. Celui qui fut président de la commission de révision de la Constitution, doyen de la Faculté des sciences économiques de l’Université de Fribourg, conseiller fédéral en charge du Département fédéral des affaires étrangères puis de celui de l’économie et finalement président de l’Assemblée générale de l’ONU, livre un témoignage passionnant. Nous retenons ici les meilleures citations de cet ouvrage.

La politique et la Suisse

Aux premières loges, dans son rôle de Conseiller fédéral, il aura vu l’UDC devenir un parti de gouvernement. De cette expérience, il garde un mantra clair face aux solutions simplistes: «Ce que je fustige, ce n’est pas l’ignorance, mais la mauvaise foi: on sait, mais on feint de ne pas savoir.» Ceci tout en regrettant l’hégémonie des idées qu’imprime le plus grand parti du pays: fatalement, «le PLR et le PDC sont tétanisés sous la pression des thèmes dictés par l’UDC».

Toutefois, le simplisme n’a pas d’étiquette, «inutile de rajouter que je ne crois pas aux régimes collectivistes, ni même à l’intervention directe de l’Etat en matière économique. Parce que je ne connais pas d’exemple de régime économique étatique qui ait été capable de garantir une croissance durable du bien-être. L’Etat doit mettre en place les conditions cadre qui permettent à l’économie privée de prospérer».

L’Union européenne

Fervent soutien d’une extension de notre relation avec l’Union européenne, il maintient sa position dans la postface du récent livre blanc d’Avenir Suisse sur le sujet. Son ouvrage est de la même veine, il y rappelle son engagement passé et présent pour une entrée dans l’Union européenne. Regrettant au passage le refus de rejoindre l’Espace économique européen (EEE): «Il ne fait pas de doute, pour moi, que le vote du 6 décembre 1992 fut une erreur historique du peuple suisse. Jamais une telle occasion ne se représentera. Jamais plus on ne nous offrira la pleine participation au marché commun à des conditions aussi avantageuses.»

Il est permis de se demander si la Suisse ne vit pas actuellement un bis repetita de cette situation. En cas de refus de l’accord-cadre, ce qui semble pour le moins plausible, aura-t-on un jour un accord équivalent avec notre principal partenaire économique? Poser la question, c’est presque y répondre. Pourtant, malgré un climat ambiant sceptique, Deiss ose sans cesse briser ce tabou: «Un jour, il apparaîtra plus clairement qu’il est temps de reprendre la part de souveraineté que nous avons abandonnée volontairement par notre non-appartenance. Car, ne l’oublions pas, face à l’histoire, les absents ont toujours tort.» De façon ironique, le refus dogmatique de la gauche face à cette proposition d’accord risque, au vu des conséquences désastreuses qu’entraînerait un éventuel bras-de-fer, de nous pousser à plus long terme vers une adhésion par dépit, par simple calcul. Celui du moindre mal. 

Ouverture vers l’étranger

Par son engagement universitaire, puis à la tête du DFAE, Joseph Deiss a pu observer sur le terrain en quoi les relations avec les autres nations sont importantes pour la Suisse, quelles sont ses capacités et ses ambitions réalistes lors des négociations. Par ailleurs, venant d’un pays prospère qui sait protéger ses institutions, l’auteur laisse une vision claire: «Pour toutes les nations qui veulent sortir de la pauvreté, ce qui compte, ce ne sont pas les programmes d’aide, les investissements étrangers, ni les ressources minières. Tout cela ne sert à rien, si le pays n’a pas mis en place des institutions qui fonctionnent. Démocratie, Etat de droit (‘‘rule of law’’), propriété privée et économie de marché sont des conditions sine qua non pour sortir de la misère.»

Le leadership

En ces temps de tempêtes, de nombreuses voix regrettent l’absence de leader au sein du Conseil fédéral, incapable de se décider sur différents dossiers pourtant importants pour l’avenir du pays. Par son exemple, il souhaite rappeler l’importance du rôle de dirigeant: «Le politicien, comme le marin, doit constamment savoir où il est, d’où il vient, mais surtout dire à son entourage où il va. Mon souci permanent était de marcher devant, indiquer la direction et essuyer, le premier, les contre-coups.» Sans oublier que la Suisse est avant tout une terre de compromis, qui nécessite une grande capacité à rallier les fronts. «Souvent considéré comme bâtisseur de ponts, je lancerai un appel pour que les ponts ne soient pas seulement construits, mais surtout franchis. Car, c’est de l’autre rive que l’on a la meilleure vue sur son propre rivage.»

En cette année d’élections sur le plan fédéral, il est également important de rappeler que le courage en politique, à défaut de payer, doit être respecté. En prenant son courage à deux mains, que ce soit pour réviser la Constitution, se battre pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU ou encore se faire élire, tant au Conseil fédéral qu’à l’ONU, Joseph Deiss a prouvé que cette maxime était bien plus qu’une formule creuse dans son esprit. «Ce que je trouvais inacceptable pour quelqu’un qui veut tenir le rôle de chef d’Etat, c’était de se cacher derrière le peuple. En démocratie, le chef doit afficher courageusement son opinion, sa stratégie. Il doit se plier à la volonté du peuple, éventuellement même se retirer, si la majorité le voit autrement.»

La suite de l’article est composé d’un entretien avec JOSEPH DEISS, disponible uniquement dans notre édition papier en commande ici:


Crédit photo: Wikimedia CC 2.0

Joseph Deiss
Quand un cachalot vient de tribord… Récits d’une Suisse moderne, pacifique et heureuse
Editions de l’Aire
2016
475 pages

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