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Péril sur la plage: votre château de sable est-il éthique?5 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Le Regard Libre N° 51 – Clément Guntern

Un récent rapport de l’ONU s’inquiète de l’utilisation du sable sur la planète. Si vous croyez qu’il ne sert qu’à créer des décors de cartes postales et des châteaux de sable, détrompez-vous. Au cœur de nombreux problèmes, le sable sous toutes ses formes est en péril.

Le sable est-il un problème? Oui, répondront certains chez qui la présence de quelques grains sur la voûte plantaire suffit à créer démangeaisons et plaintes. D’autres leur rétorqueront qu’ils n’ont jamais vu de paysage plus beau qu’une plage de sable fin sur une île au milieu de l’océan. Les avis semblent partagés à ce stade. Comme souvent, ce sont les experts qui trancheront: en tant que deuxième ressource la plus exploitée juste derrière l’eau, le sable paraît inépuisable, recouvrant des déserts entiers et présent le long des littoraux. Pourtant, son exploitation devient de plus en plus problématique et menace de causer de graves dommages aux populations et à leur environnement.

L’idée d’un sable inépuisable n’est pas entièrement fausse. On estime les réserves mondiales à 120’000’000’000’000’000 de tonnes – 120 millions de milliards pour les intimes. Les grains de sable sont quant à eux estimés à dix trillions sur toutes les plages de la planète, toujours moins nombreux que les étoiles de l’univers. Ce fameux sable se trouve évidemment dans les déserts, les rivages, au fond des océans mais aussi dans le lit des rivières et des fleuves. Les grains doivent mesurer entre 2 et 0.065 millimètres pour être considérés comme du sable, car au-dessus de cette dimension ils sont des graviers, et en-dessous du limon.

Du sable pour tout

Comme certains le savent déjà, le sable est l’un des ingrédients à la base du béton. Par conséquent, le sable est une des matières premières au cœur du secteur de la construction: maisons, routes, bâtiments en tout genre, ponts, tunnels, etc. Outre la construction, le sable peut être exploité pour les autres minéraux qu’il contient tels que l’or, le diamant ou l’étain, mais aussi pour fabriquer du verre ou des composants électroniques. Il est également à la base de la fracturation hydraulique, cette méthode controversée qui consiste à extraire du pétrole en fracturant certaines roches en sous-sol.

Une multitude d’usages, mais des réserves presque sans fin: où se situe le problème? Les grains de sable ne sont malheureusement pas égaux entre eux et ils ne peuvent pas tous être utilisés. Le sable des déserts, charrié par le vent, est trop fin, d’autres sont inaccessibles car sous la mer ou sous d’autres sédiments. C’est donc une forte proportion des réserves mondiales qui est soit inexploitable, soit inaccessible, alors que l’utilisation annuelle de sable se monte à plus de 40 milliards de tonnes. Pour exemple, la construction d’une maison moyenne requiert environ deux tonnes de sable et un kilomètre d’autoroute plus de trente mille. Aussi, le processus de poldérisation qui consiste à gagner du terrain sur la mer en entassant des matériaux dans l’eau est un très grand consommateur de sable. Des pays comme Singapour ou les Pays-Bas en sont de grands consommateurs.

Du sable à tout-va

Les types d’usages – fracturation hydraulique, poldérisation, construction – correspondent aux premiers pays importateurs: le Canada fracture le sol à tout-va, Singapour veut encore gagner du terrain sur la mer et la Chine a produit plus de béton ces vingt dernières années que les Etats-Unis durant tout le siècle dernier. Plutôt parlant. Du côté des exportateurs, on retrouve beaucoup d’Etats différents, allant des Etats-Unis à l’Australie, en passant par la Belgique, l’Allemagne, la France et la Malaisie. En général, les échanges de sable entre ces pays se font de manière plutôt localisée et entre pays voisins en raison du poids de la marchandise. C’est donc un marché de dimension mondiale et d’une importance capitale pour le fonctionnement du monde moderne. On est loin des bacs à sable de la cour de récréation…

Même l’ONU s’est récemment alarmée au travers d’un rapport de la situation de l’exploitation du sable à travers le monde, car l’exploitation dépasse largement le taux de renouvellement de la ressource et la consommation a été multipliée par vingt en vingt ans. Puisque nous ignorons largement dans l’opinion publique l’importance du sable, les conséquences de sa surexploitation surprend par son ampleur et son étendue.

Ce ne sont pas toujours de vilaines entreprises multinationales qui prélèvent le sable de plage. Parfois, les habitants locaux le collectent sur les plages puis dans les fonds marins, endommageant la faune et la flore marines, ce qui cause en retour des dommages à la fois pour le tourisme et la pêche traditionnelle. Alors que les carrières terrestres s’épuisent, l’augmentation des barrages hydroélectriques empêche le renouvellement des sables de rivières, qui demeure pourtant le meilleur à bien des égards. A l’autre bout de la chaîne, l’urbanisation planétaire renforce le besoin en matières première pour la construction, contribuant à accroître la pression sur le stock existant. 

Jeux de vilains dans le bac à sable

Mais les implications ne s’arrêtent pas là. L’Indonésie, pour fournir l’effort de poldérisation de Singapour, a exploité durant longtemps le sable de petites îles au large de ses côtes. En plus de détruire une protection contre l’érosion des littoraux, la salinisation des sols les rendant impropre à l’agriculture, cette exploitation risque d’avoir des implications sur les frontières entre Etats. En effet, si une île disparaît, la zone économique exclusive où un Etat peut exploiter les ressources de l’océan – poisson, pétrole, gaz, etc. – se réduit.

Heureusement, l’Indonésie, en même temps que plusieurs pays du sud-est asiatique, a décidé d’interrompre ses livraisons à Singapour pour protéger ses côtes. Pourtant, la cité-Etat continue d’importer illégalement du sable pour réaliser ses projets. Voilà une autre conséquence de l’exploitation du sable dans plusieurs pays. En Inde, de véritables mafias du sable se sont développées. Puissantes et meurtrières, elles n’hésitent pas à tuer et à menacer ceux qui s’opposent à elles. Le manque de régulations internationales entraîne cette illégalité.

Sauvons nos plages

L’ONU estime que ces problèmes sont largement non reconnus par la communauté internationale, alors même qu’il s’agit d’un problème mondial qui concerne tous les continents. La côte est des Etats-Unis, par exemple, est devenue plus vulnérable aux ouragans à cause du manque de sable pour la protéger. En Bretagne, un projet d’exploitation d’une dune sous-marine risquait de bouleverser tout un écosystème local. Un manque de régulation et des prix trop bas sont les principales causes de ces problèmes selon l’ONU. De plus, la non-reconnaissance du sable comme problème public, à cause d’une idée fausse sur son stock soi-disant illimité, achève de faire du sable un enjeu majeur.

Mais comme il faut toujours terminer par des solutions, prenons celles du rapport onusien. Le recyclage peut faire quelque chose, augmenter les prix, développer les législations et une action citoyenne forte. De belles idées en somme. Lorsque cet été, en vacances, vous regarderez peut-être des enfants bâtir un château, demandez-leur si le sable en question est issu d’une exploitation éthique. Cela leur donnera à réfléchir.

Ecrire à l’auteur: clement.guntern@leregardlibre.com

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