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France

Tribune

Soyons unis contre l’islamisme7 minutes de lecture

par Antoine Menusier
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La basilique Notre-Dame à Nice. © Wikimedia CC 2.0

Dans son expression violente, l’islamisme a à nouveau frappé en France ce jeudi 29 octobre. Après l’attentat qui a coûté la vie à un professeur le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine, c’est à la basilique de Nice qu’un terroriste a tué trois personnes au couteau. Pour combattre ce fléau, il est important de reconnaître et de situer l’islamisme, une idéologie revanchiste avant tout politique. Il convient de la dissocier des musulmans.

L’islamisme, c’est moins grave que le capitalisme, moins grave que l’impérialisme, moins grave que le sort des réfugiés, moins grave que le cancer, moins grave que les féminicides, moins grave que les morts de la route, moins grave que le chômage, moins grave que les inégalités, moins grave que les discriminations, moins grave que la crise climatique, moins grave que la disparition des écosystèmes, moins grave que les jeunes en colère, moins grave que le racisme, moins grave que l’islamophobie, moins grave que l’extrême droite, moins grave qu’une «certaine laïcité». Il y a toujours plus grave que l’islamisme. Le terrorisme, bien sûr. Le terrorisme islamiste? Malaise…

Malaise parce que ce terme, «islamisme», n’est pas immédiatement associé à ce qu’il est en réalité. Il est un projet politique totalitaire appuyé sur le religieux, il est un revanchisme civilisationnel se nourrissant de paranoïa victimaire. Une petite partie de la gauche lui a trouvé des circonstances atténuantes, voire des vertus. Nous parlons ici de l’islamisme politique. Que ce soit à la fin des années 1970 en Iran ou dès les années 1980 au Maghreb, une frange de la gauche décoloniale, pour qui l’ennemi principal était l’impérialisme et son pendant le néocolonialisme, l’islamisme, incarné alors par des partis politiques ou des figures centrales comme l’ayatollah Khomeiny, représentait une promesse de reconquête identitaire. Il était vu comme un parachèvement des indépendances, ce par quoi des peuples se réappropriaient leur identité spoliée par le colonialisme.

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En Algérie au début des années 1990, les islamistes n’avaient qu’un ennemi: ces intellectuels et journalistes qu’on appelait les «démocrates» ou encore les «francophones», désignés avec dédain comme le «parti de la France». L’attentat contre Tahar Djaout, en 1993, au début de la guerre civile, visait le pluralisme et la liberté d’expression. Les attentats contre Charlie Hebdo et le professeur Samuel Paty le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine obéissent aux mêmes ressorts idéologiques. A ce propos, l’actuelle situation française face au terrorisme islamiste présente des similitudes avec la situation algérienne d’il y a trente ans. Les islamistes, en faisant du chantage à l’islamophobie, tentent d’enfermer les musulmans dans une posture défensive. Ils se présentent comme la seule parole musulmane valide, ce qu’ils ne sont pas.

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L’écueil qu’il faut à tout prix éviter, c’est de lier islamisme et musulmans, même si l’islamisme fait son marché dans l’islam. Rappelons que dans le monde, la plupart des victimes du terrorisme islamiste sont musulmanes. Les personnes de bonne foi ne font pas l’amalgame, mais elles ne sont pas naïves non plus. En revanche, il est bien plus ardu de faire reconnaître la nocivité de l’idéologie islamiste. Un reliquat de tiers-mondisme fait encore de l’islamisme, le politique, l’identitaire, un mal moindre que le «racisme d’Etat», autrement dit une réaction à ce supposé racisme étatique. Cette vision mène dans le mur. Car elle oublie d’en revenir à l’essentiel, à savoir que l’islamisme se situe dans le registre du choc des civilisations, contre l’Occident. Ce dernier, l’Europe du moins, ne le veut pas. Depuis les décolonisations et même depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est tournée vers l’autre, qu’il accueille – ce qui n’empêche pas le racisme, un mauvais penchant présent dans toute société et contre quoi l’école nous éduque sans relâche et à raison.

La difficulté de certains médias, plutôt de gauche, à faire usage du terme «islamisme» tient aussi à ce que cela oblige à hiérarchiser les valeurs. A se définir, à poser des limites quand une partie du progressisme ne voit d’avenir que dans le multiculturalisme et sa traduction sociétale, l’intersectionnalité. Ainsi l’«internationale des droits» ne distingue pas orientation sexuelle et religion, ce qui est absurde et appauvrissant d’un point de vue spirituel et philosophique. Or s’il y a un domaine que l’islamisme, le politique, pas le terroriste, entend investir, c’est l’intersectionnalité. Et comme il faut bien que cette idéologie s’appuie sur ou plutôt contre quelque chose pour exister, elle a trouvé son bouc-émissaire: le «patriarcat blanc». Ce dernier coalise contre lui diverses «minorités». L’anticolonialisme est la grande affaire de l’agit-prop islamiste, qui se sert des minorités tout en s’en moquant bien et qui décrit les «musulmans» comme des personnes subissant «humiliations» et «injustices». C’est faux: les musulmans ne sont pas humiliés en Occident. Ils sont parfois victimes de racisme, mais ils n’y sont pas humiliés en tant que musulmans.

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L’heure est grave en France. Le plus gros péril, à terme, pèse sur les musulmans. Jusqu’à quand ne seront-ils pas pris pour cibles par des revanchistes, pas même suprémacistes blancs? Si la France a tenu bon – à l’exception de deux attaques terroristes ayant fait des blessés à proximité de mosquées –, si l’on a vanté sa résilience, c’est aussi, c’est surtout parce qu’elle est laïque et non communautariste. Les Français dans leur ensemble n’en veulent pas aux musulmans, car ils se fichent pas mal des religions. Mais les islamistes (politiques) ne le voient pas ainsi. Ils aimeraient faire reconnaître légalement le statut de minorité religieuse, ce à quoi, soyons-en sûr, n’aspire pas la très grande majorité des musulmans, à qui la laïcité convient parfaitement. C’est pourquoi il importe d’isoler, politiquement, pacifiquement, mais avec détermination, l’islamisme, en lui disant: ce sera sans moi.

La Suisse se pense à l’abri de ce qui arrive à sa voisine, liant la situation française à son passé colonial, ce qui est en partie vrai. Mais elle connaît ou a connu des «expériences» islamistes comme le Conseil central islamique suisse, pour qui l’«islamophobie» de la Suisse officielle, c’est-à-dire son souci de poser des limites à une idéologie conquérante et intolérante, nourrissait la radicalité de certains musulmans. L’habituelle inversion accusatoire. En Suisse, il faut savoir qu’en France, quantité de ressortissants d’origine maghrébine, ayant une foi ou une culture musulmane, souffrent en silence, souvent par peur, ou au contraire se battent, politiquement, contre cette idéologie, et qu’ils sont pour la plupart de gauche et tout à fait progressistes. Beaucoup ont le souvenir de la guerre civile en Algérie et ne veulent à aucun prix revivre cela aujourd’hui en France. La religion ne doit plus être un terrain de jeu politique pour quiconque. Gauche et droite doivent s’unir contre l’islamisme. Les musulmans ne sont pas le problème, ils ne sont pas un problème. L’Allemagne fédérale a autrefois lutté contre le terrorisme d’extrême gauche, pas contre la social-démocratie, et avec le concours entier de cette dernière. L’analogie vaut ce qu’elle vaut, mais elle n’est pas sans pertinence.


Antoine Menusier est journaliste. Rédacteur en chef du Bondy Blog de 2009 à 2011 et ancien grand reporter au Temps et à L’Hebdo, il est l’auteur du Livre des indésirés. Une histoire des Arabes en France (Editions du Cerf, 2019). Aujourd’hui, il écrit pour le média suisse Watson et contribue aux magazines français Marianne et L’Express.

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1 commentaire

daramsauer 2 novembre 2020 - 8 08 56 115611

Cela me pose problème de faire croire qu’il y a une hiérarchisation des questions ou des luttes. Et je trouve dommage de casser du sucre sur ceux qui n’osent pas utiliser le mot “islamisme” plutôt que de se concentrer justement sur cette idéologie politique inquiétante…
Néanmoins, je trouve ce débat passionnant et ne sait pas encore de quel côté me mettre. Même si j’ai l’impression d’être du côté de celles et ceux que vous critiquez, je ne me reconnais pas dans votre analyse… ce qui m’interroge.
Intéressée à recevoir plus d’infos sur la question sur mon adresse du Regard Libre.
Diana-Alice Ramsauer

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