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France

Interview

Nicolas Jutzet: «Valérie Pécresse a quelque chose d’Hillary Clinton, en pire»7 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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pécresse nicolas jutzet

Nicolas Jutzet, chargé de projet à l’Institut Libéral et co-fondateur de la plateforme Liber-thé, est un libéral pur jus, nourri par les lectures de Frédéric Bastiat, Benjamin Constant et Friedrich Hayek. Cet intellectuel de 27 ans s’est déjà retiré l’an dernier de la vie politique. Il s’était fait remarquer par les médias, dont il est devenu un interlocuteur fréquent, en portant la campagne francophone de l’initiative «No Billag», demandant la suppression de la redevance, puis, plus récemment, la première initiative aboutie des Jeunes libéraux-radicaux suisses, visant à lier l’âge de la retraite à l’espérance de vie. J’ai eu envie d’aller lui demander quel regard il a porté sur la campagne présidentielle française qui vient de s’achever. La campagne précédente, je l’avais couverte avec lui, quand il débutait son itinéraire éditorial au Regard Libre et que son espoir portait un nom: Macron. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.

Le Regard Libre: Votre impression sur cette campagne présidentielle qui s’achève?

Nicolas Jutzet: C’était plutôt une pseudo-campagne assez pénible. Il y a d’abord eu le Covid, qui a paradoxalement arrangé le président car il l’empêchait de devoir parler d’autres sujets. Puis, il y a eu la guerre en Ukraine, qui – c’est bien sûr légitime – a remplacé à son tour la plupart des thématiques. La campagne n’a jamais vraiment décollé. Aussi, on constate que la qualité des candidats baisse à chaque élection, mais on n’a pas vraiment trouvé de solution pour y remédier. Toute la dynamique de redistribution du pouvoir politique en France, avec la décomposition des partis traditionnels, mène à la médiocrité. Macron a décidé ouvertement de tout jouer sur le fait que l’élection serait un duel entre les extrêmes et lui. Faire ça, c’est dynamiter les forces qui peuvent être constructives, bien formées intellectuellement et capables de nuance.

C’est-à-dire?

A la gauche toute, on a un candidat complaisant avec l’islam politique, avec des tendances complotistes, qui a totalement siphonné le reste: Mélenchon. Et à la droite toute, un personnage encore plus nationaliste que Marine Le Pen et qui a monopolisé l’attention des médias: Zemmour. Avant Macron, il y avait des forces qui, à défaut d’être parfaites, étaient présentes sur le terrain: les socialistes à gauche, les Républicains (ex-UMP) à droite. Macron a remplacé ces relais locaux par une espèce de faux parti, avec des députés godillots sans ancrage. Il a encouragé la montée de forces qui ont exactement le même problème: la France insoumise, le Rassemblement national et Reconquête (le mouvement de Zemmour) ne sont pas présents dans les communes et les régions.

Passés ces aspects, Macron est-il selon vous un libéral?

Malheureusement, l’espoir s’est transformé en déception. Macron a attenté aux libertés individuelles et a dépensé l’argent public à un point jamais atteint par les présidents qui l’ont précédé. Certes, il a fait face à diverses crises durant son mandat, il y a eu les «gilets jaunes», le Covid, la guerre en Ukraine… Mais sur le principe, même son ami François Sureau, récemment élu à l’Académie française, estime que son quinquennat a été une horreur pour la liberté. La liberté asphyxiait déjà avant lui en France, mais avec lui elle est morte, comme valeur.

Le monde a quand même dû faire face à une pandémie!

Oui, mais cela n’excuse pas tout: la France a été beaucoup plus liberticide que la Suisse, par exemple. Ce qui m’a frappé, pour prendre un cas précis, c’est qu’il y avait besoin d’une circulaire pour sortir de chez soi. La France a sans doute été l’Etat démocratique le plus paternaliste du monde durant cette pandémie. Un autre exemple, pas lié au Covid cette fois-ci, c’est la manière dont l’Etat a réprimé les «gilets jaunes» lors des manifestations. Ce qui résume Macron, c’est qu’il est fort avec les faibles et faible avec les forts. La population le perçoit comme quelqu’un de méprisant, tout simplement parce qu’il l’est, et pendant la crise des «gilets jaunes» ça s’est vraiment vu.

Michel Onfray, dans une récente interview, a eu cette formule: «Il y a chez cet homme un narcissisme particulier: il est classique, cest celui de qui saime, mais il est également doublé dune rage envers qui ne souscrit pas à son narcissisme. Il saime, mais il naime pas quon ne laime pas.»

Je suis totalement d’accord avec lui sur ce point. Macron donne l’impression qu’il a réponse à tout, qu’il séduit même quand il dort. Il a réussi à être plus crédible dans son rôle de président que ses prédécesseurs, en n’étant pas sans cesse dans les petites phrases des médias, mais il y a un revers de médaille. L’économiste Jean-Marc Daniel a expliqué qu’à chaque fois que Macron fait face à un problème, il dépense des milliards. A tout problème qui se pose à lui, il répond par une présence accrue de l’Etat. Avant de devenir président, Macron disait que la France «c’est Cuba sans le soleil»; il est devenu l’archétype de ce qu’il dénonçait.

Macron, en fait, est le plus jacobin des présidents de la Ve République, pour le meilleur et pour le pire.

Surtout pour le pire. C’est un hyper-président centralisateur, qui n’a pas de soupape entre la population et lui-même, ce qui est très dangereux. Quand la violence explose, il n’y a aucun médiateur pour la canaliser. Macron a très peu parlé aux journalistes, préférant passer par sa propre communication, et a détruit méthodiquement les corps intermédiaires. Pour ce qui est des syndicats, il l’a aussi fait parce qu’ils n’étaient pas représentatifs, vivant historiquement de subventions plutôt que de cotisations des membres. Au fond, Macron a dévoilé une supercherie, un secret que tout le monde soupçonnait. Mais le problème est qu’il n’a pas remplacé ces corps intermédiaires par quelque chose de plus constructif, mais par une verticalité violente.

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Ce gadget politique… Qu’il fasse construire des centrales nucléaires au lieu de faire des conventions!

Le problème avec Macron n’est-il pas aussi qu’il veut plaire à tout le monde?

Oui, c’est son fameux côté «en même temps». On a vu pendant ces cinq ans qu’il a également beaucoup de peine à s’entourer de gens brillants, préférant s’entourer de technocrates sans envergure. Et il semble ne pas être à l’aise quand il s’agit de trancher, d’où sa fâcheuse tendance à la dépense.

Quel candidat trouve le plus grâce à vos yeux?

Quand je remplis des questionnaires en ligne, je tombe plutôt sur Pécresse que Macron. Elle est sans doute un petit peu plus libérale économiquement, du moins sur le papier. Sur le plan sociétal, je partage plutôt les positions de Macron. Mais il n’y a pas que le programme, il y a la personne. Chez Pécresse, ce qui saute aux yeux, c’est que tout est faux. Elle a quelque chose d’Hillary Clinton, mais en pire. Je crois que si j’avais le droit de voter, je m’abstiendrais. Ce système d’hyperprésident est à bout de souffle; voter, c’est le légitimer.

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Yann Moix a dit récemment sur France 2 que la grande différence entre Zemmour et Pécresse, c’est que le premier est exactement ce qu’il dit.

C’est un bon résumé. Au final, Zemmour s’est sans doute effondré parce qu’il a tout assumé. J’ai infiniment plus de respect pour un individu qui «meurt» pour ce qu’il pense, même si je suis en désaccord avec lui, que pour quelqu’un qui adapte son discours à l’opinion du moment.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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