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Peter Brook, artiste que les années couronnent4 minutes de lecture

par chlodelassis
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Tempest Projet © Marie Clauzade

De 1957 à 1990, Peter Brook mettait en scène différentes versions de l’œuvre shakespearienne La Tempête. Pourtant âgé de 96 ans, il revient aujourd’hui avec une nouvelle proposition scénique brillante qui prend cette fois une forme plus expérimentale, celle d’un spectacle créé à partir d’une recherche autour de la pièce. Librement adapté de l’œuvre initiale avec la collaboration de Marie-Hélène Estienne, le texte, s’il est réduit à 1h15 de représentation, reste néanmoins au centre du travail et ne perd aucunement la valeur poétique propre à William Shakespeare.

«Shakespeare, c’est inépuisable», explique Brook lors de l’entretien avec le public à l’issue de la première du spectacle. Toujours plus curieux des mystères shakespeariens, l’auteur de L’Espace vide ou de Points de Suspension demeure fidèle à sa patte artistique: celle d’un théâtre où le plateau est quasi nu, laissant ainsi la place à la saveur originelle du texte.

Cette quête de la sobriété est très justement servie par les comédiens, qui ont le don de donner vie aux mots et de semer la graine de leur imaginaire dans celle des spectateurs. La grâce aérienne de la jeune Paula Luna (Miranda), le charisme envoûtant d’Ery Nzaramba (Prospero), la vivacité hilarante de Fabio et Luca Maniglio, l’incroyable adaptabilité de Sylvain Levitte (tantôt dans le rôle de Caliban, tantôt dans celui de Ferdinand) et l’énergie succulente de Marilù Marini (incarnant Ariel) constituent pour ainsi dire un parfait sextuor dont les vibrations s’accordent à merveille et dont la complicité parvient à nos sens dès leur entrée sur scène.

L’écoute, paradigme absolu de l’art théâtral selon le metteur en scène britannique, existe ici grâce à la triple conjonction entre silence, expérience de la parole et conscience des autres. La sobriété du jeu et la capacité des acteurs à être «au présent», réactifs à leur environnement, créent un lien fort entre la fiction et le public. De fait, on ne décroche pas une seule seconde de ce qui a lieu sur scène. Si le silence est maître du jeu sur le plateau, il règne aussi dans la salle.

Un «théâtre du peu»

On retrouve aussi avec plaisir le fameux «exercice de la corde» de Brook, réadapté aux circonstances dramaturgiques: Miranda (Paula Luna) et Ferdinand (Sylvain Levitte), les deux jeunes amants de l’île, forment à l’aide de très fins bâtons une ligne sur laquelle ils marchent l’un vers l’autre, avec un bâton en équilibre sur sa tête. Une belle métaphore de la reconnaissance des âmes. Une mise en lumière également de la remarquable habilité des deux comédiens, qui ne va pas sans rappeler l’outil technique régulièrement enseigné par Peter Brook à ses acteurs: se placer dans une extrême concentration et invoquer un imaginaire, en faveur entre autres d’une honnêteté et d’une précision de jeu.

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Ce «théâtre du peu», tel que le conçoit Marie-Hélène Estienne, nous ramène droit à l’essentiel: l’humanité. Les éclairages de Philippe Vialatte, indissociables de l’univers sonore, valorisent avec subtilité la palette humaine que constituent les personnages de La Tempête: ainsi s’agencent avec harmonie le pivot comique que constitue le duo de Trinculo et Stephano (les frères Maniglio), la légèreté de la jeune Miranda ou encore la malice d’Ariel, l’esprit agissant au service de Prospero.

Cela étant, Peter Brook insiste sur la complexité interne à chacun. Et sur le fait que, selon lui, Shakespeare n’a jamais de parti pris. Une interprétation qui explique la multiplicité de versions de ses pièces et d’interprétations de ses personnages. C’est d’ailleurs l’un des points qui relient Brookl à Shakespeare: «on est tous de la même étoffe», comme le premier l’a confié. Peter Brook, c’est pour ainsi dire l’éternel optimiste en la fraternité. Sa création Tempest Project avec Marie-Hélène Estienne est une belle mise en lumière de la sensibilité avec laquelle il perçoit le monde.

20-22 janvier | Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines (78)
22-30 avril | Théâtre des Bouffes du Nord, Paris (75)

Ecrire à l’auteure: chloe.delassis@leregardlibre.com

Crédit photo: © Marie Clauzade

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