La petite Lola est morte le 14 octobre dernier. Son corps meurtri a été retrouvé dans une malle en plastique le soir même, à proximité de l’immeuble où elle vivait avec sa famille. Le drame est atroce et macabre. L’enquête est en cours, tout comme l’examen psychologique de la principale suspecte. Mes quelques mots ne cherchent ni à informer, ni à dénoncer, ni à expliquer, mais à exprimer un désarroi face à l’horreur, dans les larmes.
C’est le grand sujet du moment. Tous les médias en parlent, les autorités politiques et les personnalités y vont de leurs hommages. Les commentateurs dénoncent. Les uns dénoncent un francocide, les mêmes dénoncent la présence en France de la principale suspecte, Dahbia, 24 ans, qui était pourtant en obligation de quitter le territoire. D’autres dénoncent la récupération politique de l’affaire. Nombreux sont ceux qui se questionnent sur le système judiciaire, encore plus nombreux ceux qui sont atterrés par l’ensauvagement de la société.
On cherche à comprendre. Comment une telle atrocité a-t-elle pu être commise sur une fille de douze ans? Viol, tortures innommables, et puis dépôt de ce petit corps encore chaud dans une malle… Un «0» et un «1» écrits en rouge sur les pieds de la victime.
Comment cette Dahbia, inconnue des services psychiatriques jusqu’alors, aurait-elle pu passer à l’acte? S’agit-il d’une folle, une «déséquilibrée mentale» comme on dit, qui a perdu tout discernement et a commis ce crime atroce? Comme si l’on pouvait être sain d’esprit et commettre un tel acte… Comme si un fou furieux n’avait pas à être puni à perpétuité dans une prison parce qu’il est «malade»… Mais ce sont là d’autres débats qui jaillissent.
Est-il question d’un crime à caractère sectaire, sataniste? Les thèses explosent, et c’est bien normal. Comment comprendre une telle horreur? Niveau solutions, faut-il remettre sur la table le débat sur la peine de mort? Faut-il renforcer la sécurité? Par quels moyens? Plus de policiers? Plus de contrôles psychiatriques? Plus de suivi des personnes en situation irrégulière, comme la présumée meurtrière qui était sans domicile fixe?
La question est-elle d’ordre plus philosophique que social ou politique? Vivons dans une société malade, à telle point que des crimes du genre seront de plus en plus nombreux? Devenons-nous fous, le cerveau lessivé par la crétinerie ambiante et l’absence de sens à nos vies? Sommes-nous compulsivement hantés par une culture de la mort? L’humanité est-elle condamnée à subir ces atrocités?
La police continue d’enquêter, et c’est parti pour de longs mois. Les psychiatres examinent les suspects. La justice jugera, bien ou mal: c’est important pour la famille, même si rien n’effacera le meurtre de Lola et personne ne la leur rendra. Même face à l’incompréhensible, il faut chercher à comprendre ce qui s’est passé. Nous avons besoin de vérité. Même face à l’horreur, il faut regarder la violence humaine et prendre conscience du réel tragique de l’existence. A chacun son rôle.
Le mien n’est que de pleurer et de questionner l’horreur. Bien sûr, on ne rend pas justice et on n’arrête pas les criminels à coups de fleurs blanches, de bougies, de nounours et de discours d’hommages; ils sont pourtant nécessaires. Comme il est nécessaire de mettre des mots sur des larmes, bien qu’ils seront à jamais insuffisants, incomplets, maladroits.
A toi, Lola
Lola, une petite fille, comme les autres. Un visage radieux, un sourire doux, des cheveux dorés. Une enfant qui aimait rire et jouer, comme tous les enfants. Lola, qui vivait dans l’insouciance de la jeunesse. Elle danse et s’amuse. Le 14 octobre elle va à l’école. Et voilà qu’elle sort de cette école à 15h et qu’elle est kidnappée. Elle est violée, massacrée, tuée. Elle n’a que 12 ans, et voilà qu’elle n’est plus. La mort d’un enfant est dramatique, quelles que soient les circonstances, mais dans un cas comme celui-ci c’est encore pire.
Une enfant innocente a pleuré, agonisé. Elle a souffert la torture. Sa vie, son monde s’est effondré quelques minutes ou quelques heures. Elle a vu du haut de ses 12 ans le mal en face. Elle a été sacrifiée sur l’autel de l’innommable. Ce n’est pas possible, ce n’est pas pensable, ce n’est pas acceptable, ça ne peut pas être vrai, et cela s’est pourtant bien passé il y a à peine un mois.
Les larmes du monde ne suffisent pas à pleurer la petite Lola. Bien qu’insuffisantes et indignes, les larmes coulent maintenant sur mon clavier d’ordinateur. Pourquoi suis-je d’ailleurs en train d’écrire ce texte? Peut-être parce que face à ce drame, j’ai eu besoin moi aussi de dire ou de faire quelque chose. Peut-être parce que je ne sais pas quoi faire d’autre pour vivre avec cette horreur dans mon cœur. Peut-être parce que je veux croire que tout n’est pas fini pour Lola, et qu’après ce qu’elle a subi, elle est désormais dans un au-delà, où elle veille sur ceux qu’elle aime, où elle veille sur tous les enfants, particulièrement sur ceux qui en ce moment même sont abusés ou tués par des bourreaux. Parce que je crois fermement qu’après les larmes, les cris et la mort, elle est entrée dans la paix éternelle, où plus jamais elle n’aura à subir ce qu’elle a subi, où pour toujours elle reposera, heureuse et plus vivante que jamais.
Crédit photo: Susan Cipriano / Pixabay
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