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Société

L’essai du mois

Le «pacte bourgeois» nous a rendus riches5 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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mccloskey

Pourquoi certaines nations s’enrichissent-elles quand d’autres stagnent ou déclinent? Deux visions contemporaines tentent de répondre à cette question cruciale. L’une d’elle est exposée dans un ouvrage de Deirdre McCloskey et Art Carden récemment traduit en français.

Vous vous êtes sans doute déjà demandé pourquoi la Suisse, ce petit pays au territoire escarpé, était plus riche que ses voisins. Ou encore, comment certains pays qui étaient riches au début du XXe siècle, comme par exemple l’Argentine, ont pu sombrer dans des crises au point de devenir ingouvernables. A vrai dire, il n’existe pas de réponse sans équivoque à cette question d’importance. Mais plusieurs théories tentent d’expliquer ces succès et ces échecs.

Dans Why Nations Fail, Acemoglu et Robinson, récents vainqueurs du prix Nobel d’économie, soutiennent que c’est la présence d’institutions pluralistes, partageant le pouvoir économique et politique, et favorisant la concurrence, qui est le moteur de la prospérité. Les auteurs écartent l’idée que la géographie ou le climat jouent un rôle décisif. L’économiste américaine Deirdre McCloskey avance une autre théorie dans son récent livre Laissez-moi faire et je vous rendrai riche, qui vient de paraître en français. Plus que les institutions, c’est l’évolution des principes moraux et un basculement vers une mise en avant de valeurs comme la promotion au mérite, et non celle qui découle d’un privilège lié à un statut de naissance, ou encore la valorisation de la prise de risque et l’importance de la figure de l’entrepreneur ainsi que de la propriété privée qui seraient à la base du succès des nations.

Deirdre McCloskey et son co-auteur Art Carden, lui aussi économiste américain, narrent ce qu’ils appellent le «Grand enrichissement». En huit générations, le revenu moyen a explosé et l’innovation s’est largement diffusée. Des biens autrefois luxueux sont désormais disponibles facilement et à un prix que nos ancêtres refuseraient de croire. Ce constat positif s’appuie sur des faits. Les deux auteurs sont des optimistes réalistes. Que ce soit concernant la grande pauvreté, l’espérance de vie, l’alphabétisation ou le niveau de vie en général, les données indiquent que contrairement à ce que l’on pourrait croire, la situation s’est améliorée de façon spectaculaire dans le monde ces derniers siècles. Mais aussi, et c’est ce qui étonnera sans doute davantage les lecteurs, dans les dernières décennies.

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Si les défis restent nombreux et que d’autres s’y ajoutent chaque jour, leur ouvrage vous rassurera: inutile de céder au pessimisme. Pour les deux économistes, cette dynamique positive s’explique historiquement par un changement culturel qui a vu naître et triompher l’idée que les individus ne sont pas de simples moyens au service d’une finalité collective, mais des êtres indépendants qui peuvent chercher eux-mêmes leur bonheur. McCloskey et Carden parlent d’un Pacte bourgeois, qui voit les sociétés devenir prospères dès qu’elles laissent les humains faire.

Au vu du bilan factuel proposé dans cet ouvrage, le lecteur s’interrogera peut-être sur les raisons qui font que ces éléments réjouissants ne trouvent que peu de résonance, notamment médiatique. Les auteurs notent à raison qu’en société, le pessimisme vous donne le beau rôle. Celui de paraître sophistiqué, car inquiet. L’optimiste au contraire passe facilement pour un naïf, qui se contente trop rapidement d’avancées de fond qu’un pessimiste jugera peu convaincantes au vu des problèmes bien tangibles qu’il identifie encore. Or, en s’inquiétant du sort de notre prochain sans prendre en compte les dynamiques à l’œuvre et les mécanismes qui permettent, ou non, de remédier au problème que nous identifions, nous prenons le risque de faire fausse route. D’où la nécessité d’un optimisme réaliste. Toutes les bonnes intentions et les inquiétudes quant au sort des pauvres ne les rendra pas riches. Alors que le Pacte bourgeois, si. Et ce de façon durable.

Si l’histoire économique donne raison aux éléments présentés dans Laissez-moi faire et je vous rendrai riche, il est permis de douter que les sociétés riches, lassées de leur succès et souffrant largement d’oikophobie, soient encore longtemps capables de prolonger cette parenthèse enchantée.
A moins d’un sursaut.

Directeur adjoint de l’Institut libéral et essayiste, Nicolas Jutzet est rédacteur au Regard Libre.

Vous venez de lire une recension en libre accès, tirée de notre édition papier (Le Regard Libre N°115). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

Deirdre McCloskey et Art Carden
Laissez moi faire et je vous rendrai riche
Ed. Markus Haller

Trad. de l’anglais par Patrick Hersant
Préf. Nicolas Jutzet
Mars 2025
406 pages

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