Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci
« Et si on n’était qu’une tribu de chasseurs de lapins ? »
A l’âge de la pierre, Dug vit dans la vallée avec sa tribu. Ce jeune garçon a de l’énergie à revendre et une ambition hors du commun. Sa tribu, en effet, vit heureuse, en se contentant de chasser des lapins. Sans la mépriser, Dug rêve de chasser le mammouth et songe aux exploits de ses ancêtres, contemplant les fresques des grottes.
Un jour, panique en vallée. Des mammouths arrivent bel et bien, mais il sont couverts d’une armure. Les anachroniques conquistadors débarquent de l’âge de bronze pour exploiter l’environnement immaculé où vivent Dug et les siens. Alors que ces derniers se réfugient dans la « mauvaise terre », encerclant la vallée, le jeune homme des cavernes est fait prisonnier. Suite à une négociation mise en place avec le gouverneur, la tribu devra affronter la prestigieuse équipe du Real Bronzio en football. Si elle gagne, la vallée leur sera rendue ; si elle perd, elle verra ses membres finir en esclavage dans les mines.
La clay-animation et son héritage
Nick Park est désormais le maître incontesté du dessin animé en clay-animation. Après l’historique Chicken Run, les fameux Wallace et Gromit et le touchant Shaun le mouton, le film, le réalisateur ne manque pas de fidélité au style de la Aardman Animations. Ses personnages en pâte à modeler et les décors en carton-pâte gagnent en charme à travers les années. Déjà à l’époque, cette marque de fabrique était appréciée ; désormais, à l’heure du tout-puissant numérique, elle suscite fascination.
Pour le travail titanesque qu’elle implique, certes, mais aussi pour son simple résultat à l’écran. Les images sont belles ; aux yeux des enfants, elles apparaissent rassurantes et douces. S’inscrivant au sein de cet héritage artistique, Claude Barras a d’ailleurs connu un succès retentissant en 2016 avec Ma vie de Courgette. Le dessin animé, racontant l’histoire d’un orphelin en quête de bonheur, avait parlé autant aux petits qu’aux grands, le sujet grave ayant été porté par de la pâte à modeler.
Un dessin animé pour les enfants
Concernant Cro Man, il a pu décevoir justement sur manque d’universalité auprès du public. Alors que ses autres réalisations s’élevaient davantage dans la réflexion sociale et philosophique, le nouveau Park se limite à une morale bien basique. Il faut respecter les autres peuples et cultures ; c’est ensemble qu’on peut vaincre l’ennemi, pas seul ; le courage est une vertu à cultiver ; l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. Le spectateur adulte n’y verra donc aucune grande révélation.
L’enfant, en revanche, s’il est mis de côté pour l’aspect humoristique bien british, saura reconnaître en Dug un modèle. Il ne comprendra pas les connivences qui font du gouverneur corrompu un Sepp Blatter, par son accent germanique, et celle qui fait que la reine justicière s’appelle Oofeefa. Pourtant, il verra comment le gouverneur en question est un méchant, parce qu’il est amoureux de l’argent – ou du bronze, plutôt – et en quoi la tribu de Dug est heureuse parce qu’unie. La technique de réalisation est enfantine, sa manière d’aborder le sujet aussi, et ce n’est pas un problème ; chacun a droit à son cinéma.
« Ils jouent peut-être mieux que nous, mais nous avons quelque chose qu’ils n’ont pas : l’unité. »
Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com
Crédit photo : © Impuls Pictures