Absent depuis plusieurs années pour cause de restructuration, le Goncourt des Lycéens à la sauce helvétique a fait un retour remarqué pour son édition 2023-2024. Plus de 700 élèves ont participé à ce prix littéraire formateur.
Une clameur résonne sous la voûte de la salle Paderewski, à Lausanne. La vénérable enceinte du Casino de Montbenon fait auditoire comble, en ce vendredi soir de janvier, pour la remise du 14e prix du Roman des Romands. Des centaines de jeunes, souvent sur leur 31, ont fait le déplacement pour l’occasion. Et ils accueillent en criant et tapant des pieds le couronnement de l’auteur lausannois Eugène pour son livre Lettre à mon dictateur, paru chez Slatkine.
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Cela fait tout juste quinze ans que ce prix littéraire existe. Sorte de Goncourt des lycéens à la Suisse, il est remis par des élèves du secondaire II et récompense un auteur francophone helvétique d’une somme de 15 000 francs, offerte par la fondation Francis et Marie-France Minkoff. La cérémonie de clôture de cette édition 2023-2024 est donc le point d’orgue d’un semestre de travail intense, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Cette année, une quarantaine de classes d’une dizaine de cantons – soit plus de 700 étudiants – ont lu les six livres en compétition, avant de trancher. Mais le choix a été serré et chaque ouvrage âprement défendu.
De nombreux jeunes se réjouissent d’avoir participé à cette aventure. «Tu as ce petit plaisir à lire ces livres qui sont tous différents et qui t’apportent beaucoup de choses différentes de différents endroits», souligne Corentin, élève de deuxième année de gymnase à Lausanne. «C’est une super expérience, par rapport en tout cas aux cours habituels. Les dissertations, les analyses de texte, c’est un peu moins marrant», plaisante-t-il. Son camarade Samuel a pour sa part apprécié un autre rythme de lecture que celui qu’il connaît habituellement en cours. Pour lui, proposer des ouvrages plus faciles et contemporains est certainement une manière d’encourager la jeunesse à lire.
«On marche toujours sur un fil»
Après la cérémonie, la créatrice du Roman des Romands Fabienne Althaus Humerose poussait un soupir de soulagement. Organiser cette manifestation relève à chaque fois du défi. «Cela demande beaucoup de travail et des nerfs d’acier. Mais on a été bien récompensés cette année», reconnaît la Genevoise, qui porte ce prix à bout de bras depuis ses débuts en 2009.
Si cette édition 2023-2024 a eu une saveur particulière, c’est parce qu’elle a failli ne jamais voir le jour. En 2021, Fabienne Althaus Humerose a voulu jeter l’éponge, lassée du manque chronique de moyens et de l’absence de soutien des collectivités publiques. Mais elle a pu être épaulée par un nouveau comité et engager une secrétaire générale. Cette réorganisation a bénéficié de l’appui de l’Office fédéral de la culture, au titre des projets de transformation lancés après la pandémie. En outre, des fondations privées assurent les trois quarts du financement de cette édition.
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Grâce à cette nouvelle structure, le Roman des Romands a pu repartir de plus belle cette année, avec une participation record. La demande a été telle que huit classes ont dû être refusées. Pour le comité, il s’agit surtout de proposer une bonne expérience aux auteurs. Car chaque classe rencontre deux écrivains au cours de l’automne. Pour chaque livre en lice, cela représentait une douzaine de déplacements. Les auteurs arrivaient donc à leur limite. Si le succès continue sur cette lancée, l’organisation songe à procéder à des choix, avec en tête la nécessité d’assurer la représentativité la plus large possible au sein du jury. Mais avant d’en arriver là, l’argent reste le nerf de la guerre.
Dans l’immédiat, l’heure est à la célébration pour les participants à cette 14e édition du Roman des Romands. Il s’agit également de laisser la parole au lauréat de cette année Eugène, qui salue le travail qui a été mené par les étudiants. «Chacune de mes douze rencontres scolaires a été intense et amicale. A votre âge, je ne savais pas parler de littérature aussi bien que vous.
Ecrire à l’auteure: sandrine.rovere@leregardlibre.com
Vous venez de lire un article tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°104).
Eugène
Lettre à mon dictateur
Editions Slaktine
2022
190 pages