Avec la victoire samedi au concours de l’Eurovision de l’artiste suisse Nemo, qui se définit comme non-binaire, l’idée de l’inscription d’un «troisième sexe» dans le registre de l’état civil a été relancée. Il s’agit en réalité d’une fausse bonne idée.
Ce fut la réponse de l’artiste suisse Nemo au média en ligne Le Matin qui lui demandait qui il souhaitait appeler en premier après sa victoire au 28e concours de l’Eurovision, samedi soir, à Malmö: «J’aimerais prendre rendez-vous avec le conseiller fédéral Beat Jans (ndlr: chef du département de Justice et Police). Je l’ai croisé une fois, par hasard, lors d’un événement. Je pense que ce serait une bonne occasion de boire un café ensemble, car en Suisse, il n’y a pas de reconnaissance officielle pour le troisième genre, ce que je trouve inacceptable. Nous devons agir pour changer cela, et je crois qu’une représentation politique est essentielle pour que les gens se sentent inclus et que nous progressions comme d’autres pays l’ont fait.»
Notez l’emploi du terme «genre» et non «sexe», alors que d’autres voix – notamment politiques – appellent depuis quelques années à l’inscription d’un «troisième sexe» dans le registre de l’état civil. Cette nuance n’est pas du tout anodine. En effet, la biologie est claire à ce sujet: il n’y a que deux sexes chez l’espèce humaine. Sur le plan génétique, qui est l’une des cinq façons de déterminer le sexe biologique, aussi: il y a les individus avec un chromosome Y (les hommes) et ceux sans (les femmes). Le Code civil suisse prévoit qu’à la naissance d’un enfant, un sexe doit lui être attribué sur la base d’une constatation médicale. Pas de troisième sexe possible dans le système actuel, donc. Quid maintenant si l’on parle de troisième genre, comme Nemo?
La richesse de l’individu
Si l’on remplace la notion de sexe par celle de genre dans l’état civil et qu’on intègre la possibilité d’un troisième genre, on change de logiciel: ce ne sont plus des caractéristiques publiquement observables, mais le ressenti, un sentiment non observable, qui devient le critère de la catégorisation. Or l’identité de genre théorisée par les sciences sociales n’admet pas seulement trois genres. Outre la non-binarité, on trouve certaines personnes qui se sentent à la fois masculines et féminines, d’autres qui ne veulent pas choisir, d’autres encore qui disent ne pas savoir ou dont le genre est fluide. Comment nommera-t-on alors «ce» troisième genre et que prévoira-t-on pour cette catégorie de personnes en ce qui concerne les obligations de service militaire par exemple et toutes les autres adaptations à faire dans les lois et dans la Constitution?
En réalité, cette affaire nous indique les limites de la quête de reconnaissance officielle des minorités. Il est d’ailleurs possible de se questionner sur ce désir toujours plus répandu d’attendre quelque chose de l’Etat, de chercher à être défini par le système. La richesse d’un individu, notamment en termes d’identité, ne pourra jamais être retranscrite dans un statut administratif. Nous sommes tous avant tout des personnes humaines avant d’être des membres de telle ou telle communauté. Plutôt que de se braquer sur nos différences, tâchons de nous tolérer et de nous respecter.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
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Débat sur ce sujet au 12h45 du 17 mai 2024 avec Jonas Follonier: