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«Bohemian Rhapsody»4 minutes de lecture

par Hélène Lavoyer
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Les mercredis du cinéma – Hélène Lavoyer

«Ça ne finit jamais! Six fichues minutes!
(Freddie): Je plains ta femme si tu penses que six minutes, c’est long.»

En 1970, Farrokh Bulsara, la vingtaine à peine dépassée, se plante devant Brian May et Roger Taylor. Armé de son style excentrique, d’une attitude mi-farouche mi-pédante et de sa voix d’ange déchu, capable de percer le silence le plus dense et d’évoluer entre graves et aigus avec une aisance déconcertante, «Freddie» convainc les membres du groupe Smile et devient leur chanteur principal. Rapidement, Freddie propose un nouveau nom de groupe: QUEEN.

«Il nous faut quelque chose qui claque, dont les gens se souviendront.»

Ce nom, les générations d’alors le scanderont aux quatre coins de la planète, en feront un hymne à la liberté de créer et d’innover. Bohemian Rhapsody, long-métrage réalisé (en partie) sous la direction de Bryan Singer et écrit par Anthony McCarten, nous emmène donc à la poursuite des secrets du groupe avec, au centre de toutes les attentions, la légende qu’est encore Freddie Mercury. Ses déboires, ses écarts, Bohemian Rhapsody y touche sans y plonger vraiment.

Paradoxes moraux

De nombreuses remarques péjoratives ont été lancées à l’égard de Bohemian Rhapsody, de parts et d’autres du monde de la critique cinématographique. Parmi elles, de nombreuses sont pertinentes et importantes à souligner, notamment l’attention extrême portée à l’aspect familial du groupe, ou l’aspect «produit dérivé» et mercantile du film. De véritables blâmes ont été lancés sur Brian May et Roger Taylor:

«Il faut savoir que depuis la mort de Freddie Mercury en 1991, les deux hommes ont par tous les moyens tenté de faire revivre le groupe par l’intermédiaire de ressorties, de nouveaux titres, de reformations et d’énièmes tournées avec Paul Rodgers (2005-2009) puis Adam Lambert (2012 à aujourd’hui), de featuring improbables et de déclinaisons en produits dérivés (notamment la bière Bohemian Lager sortie en 2015).» Les Inrocks

Cet aspect plutôt éthique, qui n’a de sens qu’à la lumière du respect porté sur les noms de QUEEN ainsi que de Freddie Mercury, doit effectivement être mis en lumière. Il nous semble pourtant que l’intention ayant poussé à l’aboutissement du projet ne peut pas être jugée avec un point de vue aussi tranché et sévère. Cette volonté de faire du bénéfice, quoique ni honorable ni à encourager, n’est-elle pas la norme aujourd’hui? Peut-on dévaloriser un film réussi sur la base d’intentions qui y sont sous-jacentes?

Rami Malek, à l’unanimité

Sa performance restera dans les annales. Rami Malek, trente-sept ans, incarne Freddie Mercury avec un culot tout à fait bienvenu. Dans son jeu, l’hésitation et la timidité d’un garçon ayant subi les moqueries et les rejets à différents moments de sa vie et pour différentes raisons – qu’il s’agisse de son physique ou de ses origines incertaines – va de pair avec la partie phénoménale et extravagante du personnage que s’était créé sur mesure Farrokh Bulsara.

Bohemian Rhapsody © 20th Century Fox (4)
Rami Malek dans le rôle de Freddy Mercury dans «Bohemian Rhapsody» © 20th Century Fox

C’est donc à raison que la critique est unanime quant à la performance de Rami Malek. Quelle énergie, quelle désinhibition, quel dédain pour l’opinion de l’autre faut-il avoir pour incarner un homme comme Freddie Mercury? S’il n’y avait qu’un seul élément pour sortir ce film d’un méli-mélo de critiques négatives, ce serait bien le jeu d’acteur de l’ex-Mr. Robot, et il serait suffisant pour hisser la parole jusqu’à l’éloge.

Biographie

La cruciale histoire d’amour qu’entretint Freddie avec Mary Austin se découvre en filigrane, intime, douce, compréhensive et, surtout, éternelle. Car malgré l’homosexualité de Mercury, elle restera «l’amour de sa vie» à tout jamais, un pilier qui sera également l’électrochoc le ramenant à la raison alors qu’il se perd dans les méandres de son être, qu’il peine à apprivoiser, à comprendre et à aimer.

Si l’histoire de Bohemian Rhapsody est celle d’un homme, Freddie Mercury, elle est également celle d’un groupe. A la suite de recherches et de quelques vérifications, il apparaît que le travail biographique – et ce, pour l’histoire de Freddie tout autant que pour celle de QUEEN – est de grande qualité. L’avantage, sûrement, d’avoir à disposition les anciens membres du groupe encore actifs. Chose à ne pas négliger non plus, un humour bienvenu arrache à la salle, à plusieurs reprises, un éclat de rire.

Bohemian Rhapsody n’évite pas la critique et n’est pas une reproduction parfaite de la réalité survenue entre 1970 et 1985. Mais le long-métrage, comme l’a dit Rami Malek, «est une grande histoire. Vous découvrez comment les chansons ont été créées et finalement portées sur scènes… et lorsque vous regardez, c’est presque comme si vous y étiez… Mercury a eu une vie incroyable, et le film tente de la restituer aussi précisément que possible, en un voyage de deux heures.»

Un voyage, voilà ce qu’est Bohemian Rhapsody. Deux heures d’émotions défilant à tous les rythmes, du plus frénétique au plus paisible, et qui nous auront donné envie d’hurler avec Freddie l’inouï de la vie.

Ecrire à l’auteur : helene.lavoyer@leregardlibre.com

Crédit photo: © 20th Century Fox

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