Les mercredis du cinéma – Lauriane Pipoz
Le réalisateur Danny Boyle – à qui l’on doit notamment Bridget Jones, Coup de foudre à Notting Hill, Love Actually – s’est attelé à une nouvelle comédie romantique. Yesterday est l’histoire d’un homme qui, après un accident, se réveille dans un monde où les Beatles n’existent pas. Il se lance alors dans le plagiat de ces derniers en réécrivant leurs titres les plus connus. Le tout sous l’œil de sa meilleure amie et agente Ellie.
L’intrigue de la meilleure amie amoureuse du protagoniste est bien entendu du vu et revu. L’originalité du scénario résiderait donc naturellement dans le plagiat des Beatles et ses conséquences sur le personnage principal, Jack. Or, ce n’est pas ce qui se passe ici: le déroulement de l’histoire se voit sans cesse interrompu par le chassé-croisé entre Jack et son agente, notamment dans la deuxième partie du film.
La nuance aux abonnés absents
On se retrouve alors pendant bien trop longtemps avec eux dans une chambre d’hôtel pour qu’il ne se passe finalement… rien. Car quand bien même nous partirions de l’idée qu’il s’agit bien d’une comédie romantique, le film ne serait pas pour autant une réussite. Le scénario, en plus d’être fade, est incroyablement prude: les personnages sont si prudents qu’on n’imagine pas qu’il puisse se passer quelque chose entre eux.
C’est ici un autre problème du film: la psychologie des protagonistes n’est pas du tout aboutie. Entre l’agente qui déclare à qui veut bien l’entendre qu’elle n’est là que pour s’en mettre plein les fouilles à l’amoureux transi si gentil qu’il se réjouit de se faire larguer, difficile de trouver un peu de finesse. De plus, l’hypothèse principale ne tient pas la route: comment la musique aurait-elle pu suivre la même évolution sans un groupe-phare tel que les Beatles? Et leurs sons très sages fonctionneraient-ils encore aujourd’hui, alors que le style musical en vogue n’est pas du tout le même que dans les années soixante? Permettez-moi d’en douter. Ou du moins, si c’est l’avis du scénariste, cette position aurait mérité d’être argumentée.
Un humour très british
Je concède quand même au film un too much assumé, ce qui a un effet comique certain et pourrait expliquer ce manque de nuance très embêtant. Le personnage complètement stéréotypé du père sympathique, mais plutôt nombriliste, fonctionne par exemple très bien: le voir interrompre par trois fois une interprétation au piano de son fils pour des raisons inutiles ou lui piquer les sandwichs à disposition dans sa loge fut une expérience franchement drôle.
L’humour très british me paraît clairement être le highlight du film, malheureusement très assombri par un scénario pas assez fourni dans lequel les minutes qui devraient être consacrées aux problèmes du plagiat et de la culpabilité ou à l’histoire de la musique sont éclipsées par une volonté de ne mentionner que des choses positives et une histoire d’amour trop convenue. On passe quand même un plutôt bon moment grâce à des acteurs dans l’ensemble bons et des plans travaillés, mais ce n’est vraiment pas suffisant pour parler d’un bon film – par souci de ne pas vous gâcher le suspens, je ne mentionnerai pas la fin, mais me contenterai de vous dire que c’est mauvais.
Le plagiat, un sujet d’actualité
Grande ironie: ce film sur le plagiat est soupçonné d’être lui-même un plagiat de la BD Yesterday (2011) de David Blot, en libre accès sur Dropbox. Des similitudes avec cette œuvre imaginant elle aussi un artiste dans un monde sans les Fab Four semblent évidentes. Tout comme la trame ressemble étrangement à celle du film français Jean-Philippe (2006), qui met en scène un univers sans Johnny Hallyday – un film nettement plus abouti que son pendant britannique. Mais l’intrigue qui se veut être la principale, à savoir l’histoire d’amour, est le point le plus problématique: il s’agit d’un motif qui a été maintes fois traité, et notamment par David Boyle.
Si, malgré l’excès d’optimisme de Love Actually (2003) et le manque de crédibilité de Coup de foudre à Notting Hill (1999), ces deux films ont connu un grand succès à l’époque, ces mêmes défauts sont très dérangeants dans Yesterday. En dépit de ce que ce dernier sous-entend, je me risquerai à penser que l’utilisation des mêmes ingrédients dans une œuvre une quinzaine d’années plus tard ne fonctionne pas forcément. Si l’humour british – sophistiqué et remarquable au milieu de l’omniprésence actuelle des blagues faciles au-dessous de la ceinture – est toujours aussi classe en 2019, le mielleux est, lui, carrément has been.
YESTERDAY |
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GRANDE-BRETAGNE, 2019 |
Réalisation: Danny Boyle |
Scénario: Richard Curtis |
Interprétation: Himesh Patel, Lily James, Ed Sheeran |
Production: Danny Boyle, Richard Curtis |
Distribution: Sylvie Forestier |
Durée: 1h57 |
Sortie: 3 juillet 2019 |
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
Crédit photo: © Universal Pictures Int. Switzerland GmbH
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sont si prudents qu’on n’imagine pas qu’il puisse se passer quelque chose entre eux