La question s’est peut-être invitée dans votre quotidien professionnel ou vous a déjà effleuré l’esprit: est-il souhaitable pour une firme de rendre les rémunérations de ses collaborateurs publiques à l’interne? Deux de nos auteurs en débattent.
Chelsea Rolle
OUI. Le salaire est un cheval de bataille important dans le monde du travail. Lever ce tabou permettrait de supprimer beaucoup de frustrations chez les employés, qui rechignent bien souvent d’aborder ce sujet et ravalent leur insatisfaction lorsqu’ils considèrent que leur travail n’est pas rétribué à sa juste valeur. Et puis, la transparence permet de renforcer le lien de confiance entre employeur et travailleurs, lien essentiel pour assurer la pérennité d’une entreprise. Un employeur assez confiant pour publier, à l’interne, les salaires qu’il attribue est un employeur sûr de ses choix. Il inspire donc non seulement confiance envers ses collaborateurs, mais aussi envers lui-même. En ce sens, la transparence le force à s’appuyer sur des arguments factuels et solides, car il aura peut-être à se justifier des montants. En définitive, la transparence permet plus d’égalité au sein d’une structure, et une fixation des salaires raisonnée et raisonnable.
Pablo Sánchez
NON. Le détail d’un contrat ne concerne que l’employeur et l’employé. Ensuite, libre à chacun de le partager ou non avec ses collègues. La transparence des salaires part d’une bonne intention, celle d’avoir plus d’information sur les inégalités salariales, mais ces dernières ne sont pas forcément des injustices. Pour l’employeur, c’est un moyen de valoriser les compétences de chacun et d’attirer des talents. La transparence fait entrer l’entreprise dans une dynamique de justification perpétuelle qui génère une lourdeur administrative et n’est pas saine à l’interne. En effet, si, une fois rendus publics, les salaires ne sont pas homogénéisés – ce qui est souhaitable pour continuer à promouvoir les caractéristiques individuelles – alors il existe un risque de dégradation de l’environnement de travail. Dans une sorte de surveillance généralisée, chacun devient juge du mérite de son voisin de bureau. Les comparaisons et petites jalousies seront amplifiées, alors que seul l’employeur dispose de la vue d’ensemble nécessaire pour juger. C’est à lui de faire ses choix selon les résultats, les intérêts et les possibilités de l’entreprise, sans être soumis à une justification permanente.
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