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Edito

Le pouvoir surestimé des médias5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier © Dessin de Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

Surestimer le pouvoir des médias, c’est sous-estimer les diverses raisons pour lesquelles les gens ont des idées. Ce ne sont pas les journalistes qui dictent l’agenda du débat, mais une dynamique complexe entre émetteurs et récepteurs.

Dans une époque saturée de nouvelles, il serait tentant de croire que les médias ont un grand pouvoir sur leur audience. Pourtant, la «fatigue informationnelle» est contemporaine du flux de news que nous connaissons, et il n’est pas absurde d’imaginer un lien entre les deux phénomènes. De plus, il est frappant de constater que l’idée selon laquelle les médias font l’opinion – ou même selon laquelle ils en seraient simplement capables – est souvent adressée à un camp. Qui accuse la chaîne de télévision CNEWS de faire monter l’extrême droite ne dira pas que la radio France Inter influence le public hexagonal dans un sens inverse, et vice-versa…

Ainsi, lors d’un récent débat sur la chaîne genevoise Léman Bleu, l’éditorialiste Myret Zaki déclarait face à l’auteur de ces lignes que l’argent investi par l’homme d’affaires Vincent Bolloré dans ses médias, notamment CNEWS, constituait une forme de financement politique indirect. Myret Zaki ne s’exprime cependant jamais sur la propagande de gauche du service public. La thèse selon laquelle CNEWS fait monter les opinions nationalistes est plausible, mais on peut aussi penser que c’est le succès de ces idées qui mène au succès de la chaîne, et non l’inverse.

Une dynamique émetteurs-récepteurs

Et pour cause, si CNEWS s’impose désormais certains soirs comme première chaîne d’information en continu, c’est bien en partie parce qu’elle a marqué une rupture avec des décennies d’unanimisme médiatique sur certains sujets, comme l’insécurité ou l’immigration. De la même façon, l’abandon de ces thèmes à la droite nationaliste par le reste de la classe politique a aidé la première à se renforcer.

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Alors certes, les médias d’une certaine taille disposent de moyens suffisants pour façonner des narrations, mais leur effet reste tributaire d’une condition essentielle: l’adhésion de leur public. Celle-ci n’est ni automatique ni définitive. Le public n’est pas docile face à ce qu’il consomme. Avec l’explosion des plateformes numériques et des réseaux sociaux, la diversité des sources d’information et de réflexion est devenue telle que la captation de l’attention représente un défi majeur pour les médias traditionnels. De fait, ce ne sont pas les médias qui dictent l’agenda du débat, mais une dynamique complexe entre émetteurs et récepteurs.

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On peut poser le même genre de constats quand il s’agit de se demander de manière générale qui détient vraiment le pouvoir, comme dans le dossier de ce premier numéro de l’année. En posant la question «Qui dirige la Suisse?», Olivier Meuwly ne pouvait répondre que le peuple, car c’est lui qui a toujours le dernier mot dans ce pays. Cela ne signifie pas que les groupes de pression soient absents de l’équation, mais c’est en interaction constante avec le citoyen, qui de toute manière est à la fin celui qui vote. Il vaut mieux être transparent sur l’existence de ces lieux d’influence plutôt que de favoriser le secret, et donc le flou ou la corruption, et donc les critiques légitimement fondées envers «l’Etat profond», notion dont Jean-François Mayer retrace l’itinéraire.

Rester demandeurs de débat

Les médias, dans ce schéma, ne sont qu’un outil parmi d’autres. Souvent, ils servent de la matière à des formes de pensée déjà présentes. Surestimer le pouvoir des médias, même ceux qui jouent sur le rejet de ce monde, c’est sous-estimer les diverses raisons pour lesquelles les gens ont des idées, comme l’expérience et la raison. Moins de 1% des Suisses sont véganes, malgré tous les contenus qui leur sont dédiés. Au contraire, plusieurs initiatives de l’UDC ont passé la rampe de la majorité populaire malgré l’opposition de la quasi-totalité des journalistes. L’idée de médias qui dicteraient notre manière de penser nous déresponsabilise et ne résiste pas à l’épreuve des faits.

Il reste que nous avons tous le devoir de cultiver un esprit critique. Cela implique d’élargir nos horizons en consultant des sources diversifiées et, surtout, en se confrontant à différents points de vue. C’est ce que nous aimerions notamment permettre avec Le Regard Libre, en proposant des lectures de l’actualité, du passé et de l’avenir qui soit contrastent entre elles, soit se démarquent par rapport aux autres médias. Le pluralisme du tableau général est le plus important. A nous, citoyens-lecteurs et citoyens-penseurs, d’en rester demandeurs.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Vous venez de lire un éditorial en libre accès, tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°113). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

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