Décrits comme des dandys modernes, trois membres du groupe français Feu! Chatterton, Arthur Teboul, Sébastien Wolf et Clément Doumic, ont accordé quelques instants caniculaires au Regard Libre avant de se produire à Paléo le mercredi 20 juillet. Juste le temps de discuter de la jeunesse actuelle, débordante d’une énergie contagieuse, semble-t-il.
Le Regard Libre: Vous allez jouer dans quelques instants à Paléo, devant un certain nombre de personnes. Comment décririez-vous votre public?
FC: On observe de tout. Ça va des ados aux parents des ados – et même aux grands-parents des ados. C’est vrai qu’on a peut-être plus l’habitude de voir des artistes avec des publics très ciblés. Par exemple, les personnes qui écoutent Francis Cabrel sont plutôt âgées tandis que le public de Clara Luciani est, disons, familial. De notre côté, c’est vraiment transgénérationnel.
Qu’est-ce qu’un public transgénérationnel apporte en plus?
Un plaisir énorme! Déjà, on ne le décide pas. Si tu arrives à faire une musique transgénérationnelle, c’est que tu touches à une forme de partage intense. C’est très beau. Et puis, c’est agréable et surtout extrêmement stimulant de regarder des personnes enjouées, mais de tous âges, lors de nos concerts!
Qu’en est-il du public jeune: qu’est-ce qui le distingue du reste des spectateurs?
Le public jeune fait toujours très plaisir: ce sont généralement des personnes plus énergiques et plus motivées. Voire décomplexées… Passé un certain âge, tu perds par exemple une facilité à créer une cohésion avec le reste du public.
Et vous, vous vous considérez encore comme jeunes?
On essaie. C’est très cliché, mais c’est un constat: la jeunesse, ce n’est pas une histoire d’âge, c’est dans la tête. Après, c’est vrai que dans le monde dans la musique, c’est particulier: tu es sans cesse au contact des plus jeunes, qui transportent une énergie contagieuse. Dans la vie, passer du temps avec des gens plus âgés, ça t’apporte une sagesse essentielle, mais passer du temps avec des jeunes, ça te permet de conserver une curiosité, un enthousiasme pour la vie. C’est ça, l’énergie de la jeunesse. Au sein du monde musical, on rencontre des jeunes en côtoyant d’autres musiciens par exemple. Et c’est une réalité que les propositions musicales et artistiques les plus originales et clivantes, celles qui font changer les choses, sont rarement proposées par des anciens. C’est dans ta jeunesse que tu te permets de créer ta voix et donner ton souffle. Les jeunes sont généralement les plus inspirés.
Si on s’éloigne du monde de la musique, il y a tout de même tout un pan de la jeune génération qui est démunie face à un avenir incertain…
Bien sûr, et c’est totalement justifié. Ça doit être très stressant, on n’aurait pas envie d’avoir quinze ans aujourd’hui. Mais encore une fois, ce sont eux qui sont le souffle des mouvements pour des causes comme la protection du climat. C’est une forme d’espoir portée par les 15-25 ans. Cette tranche d’âge présente une forme d’insatisfaction face à l’état du monde. Et ça ne date pas d’aujourd’hui: chaque génération traverse ce sentiment, même s’il s’est sans aucun doute intensifié de nos jours par le réchauffement climatique. On a tous eu envie de changer le monde.
Dans vingt ans, vous serez toujours jeunes?
On y revient, mais c’est dans la tête! Et c’est une bataille de tous les jours. Alors on l’espère. On fréquente des personnes très âgées qui présentent une espièglerie, un sens de l’humour, une joie de vivre que tu ne vois pas chez des gens de 40 ans, qui semblent presque morts…
Est-ce que cette envie – ou ce besoin – de faire évoluer l’état du monde est donc symptomatique de la jeunesse?
Non, c’est constitutif plutôt. C’est chanmé la crise d’ado, ça donne des ailes! Plus sérieusement, c’est une forme de rêverie importante, car ça signifie s’autoriser à penser qu’autre chose est possible. Si tu ne commences pas par ça, autre chose n’adviendra jamais. Lorsque tu commences à rêver concrètement, tu réfléchis aux moyens de mettre en place ces choses nouvelles: les jeunes sont moins défaitistes, ils voient moins les obstacles et les difficultés. Cet idéalisme et cette énergie de la jeunesse sont bons, car c’est uniquement si on croit à un idéal qu’on peut l’atteindre.
Vous vous adressez à cette jeunesse pleine d’espoir?
Notre troisième album, Palais d’argile, traite des questions environnementales et migratoires, ainsi que des nouvelles technologiques. Notre propos artistique commence par des constats et débouche sur une forme d’espoir. Mais ce n’est pas politique – on se le dit à nous-mêmes plus qu’aux autres. Si on prend le cas du morceau Monde Nouveau, on a commencé à l’écrire par un jour de canicule, parce qu’on était inquiets. Les paroles s’adressent à tout le monde:
«Tout l’monde se plaignait en ville du climat subsaharien
(…)
Un monde nouveau, on en rêvait tous
Mais que savions-nous faire de nos mains?»
Lorsque Arthur (le chanteur du groupe Arthur Teboul se charge de l’écriture) crée les textes, il essaie de trouver une émotion qui s’approche plus du commun que de la différence.
Est-ce que votre musique a ou a eu pour vocation de faire changer les choses, en quelque matière que ce soit?
Lorsqu’on a créé le groupe, on était certainement des idéalistes avec une envie de faire quelque chose, mais peut-être pas de changer le monde… on va déjà essayer de donner notre maximum pour le concert. Et on verra demain pour le reste!
Ecrire à l’auteure: erica.berazategui@leregardlibre.com
Image d’en-tête: Le groupe français Feu! Chatterton © Antoine Henault
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