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Scepticisme: réponse à Olivier Delacrétaz5 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier © Dessin de Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

Dans son éditorial du mois, Jonas Follonier poursuit son débat avec Olivier Delacrétaz, éditorialiste, qui avait répondu dans La Nation à son plaidoyer pour un scepticisme modéré.

«C’est le début d’une controverse», m’a écrit Olivier Delacrétaz dans un courriel à propos de sa réponse à mon éditorial «Le scepticisme, pour échapper au dogmatisme et au relativisme» paru dans Le Regard Libre de juin dernier. L’éditorialiste de La Nation ne croyait pas si bien dire. Sa réponse féconde à mon texte, reprise dans notre précédent numéro, m’a donné l’envie de lui répondre à mon tour, après l’avoir remercié de s’être opposé à ma thèse. Quelle meilleure preuve de respect en effet que la prise au sérieux?

Puisque la présente revue est destinée au débat d’idées et que mon éloge du scepticisme n’était pas sans lien avec la démarche journalistique et intellectuelle en général que j’oppose aux tendances du dogmatisme et du relativisme, j’ai pensé que ma «réponse à la réponse» d’Olivier Delacrétaz devait paraître en ces pages. Avec l’idée qu’une «réponse à la réponse à la réponse» puisse éclore par la suite dans les colonnes de nos amis vaudois.

Mon adversaire de circonstance a fidèlement retranscrit ma pensée en notant d’emblée dans son article que la variante de scepticisme que je défends n’est pas celle, radicale, qui consisterait à affirmait que rien n’existe, ou que même si quelque chose existait, on ne le saurait pas. Ma conception plus modérée est la suivante: il est très difficile d’atteindre la vérité, mais cela ne veut pas dire que la vérité n’existe pas. En somme, il convient de chercher la vérité, mais sans certitudes. Ce doute nécessaire ne doit cependant pas s’appliquer à la logique et aux mathématiques – j’aurais déjà dû faire cette précision dans mon texte initial. La logique est l’instrument de la pensée. Sans principe de non-contradiction, par exemple, on ne pourrait pas penser que quelque chose est vrai, ou faux – bref, on ne pourrait pas penser.

Saluant ma position «qui prône l’esprit critique et l’humilité dans le débat», Olivier Delacrétaz se demande s’il est pour autant judicieux d’en appeler à la philosophie sceptique. Son premier argument est que le dogme ne conduit pas nécessairement au dogmatisme. Penser le contraire est «un préjugé moderne». Le dogme se situe sur un plan religieux et consiste en une «vérité si savamment décortiquée, élaborée et épurée qu’elle en devient universelle, échappant ainsi aux circonstances particulières de sa naissance». Je n’ai pas à me prononcer sur cette objection, qui n’en est pas une, puisque je n’ai jamais parlé de dogmes, seulement de dogmatisme.

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De même, pourquoi l’auteur affirme-t-il que le sceptique «met en doute la capacité de notre intelligence à atteindre l’essence des choses», ce qui «rend futile l’effort philosophique»? L’effort philosophique n’est pas vain, ses armes sont la logique, l’argumentation et l’expérience. La métaphysique – l’étude rationnelle de la nature fondamentale de la réalité – y a donc toute sa place, mais doit prendre en compte l’observation. Un seul fait ou résultat inverse à la théorie l’invalide. Les sciences empiriques, qui fonctionnent selon ce processus de falsification appliqué à des hypothèses, ne peuvent jamais rien démontrer, si ce n’est la fausseté de certaines thèses, au profit d’autres thèses acceptées provisoirement. D’où l’exigence de scepticisme. La philosophie dépasse certes la science, mais doit lui être compatible, de même que la théologie dépasse la philosophie, mais ne la contredit pas. Je ne crois pas qu’Aristote ou saint Thomas, deux références s’il en est de la Ligue vaudoise (dont La Nation est le bimensuel), disent autre chose. Quant à la vérité en esthétique, prise en exemple par Olivier Delcrétaz, je ne saurais nier sa possibilité puisque j’ai consacré mon travail de master à l’objectivité des jugements de goût. En dissertant sur la beauté d’une œuvre ou d’un paysage, on n’est pas certain d’avoir raison, mais on a de bons arguments à faire valoir. Et ça, c’est beau!

Un autre de ses arguments est que le scepticisme empêcherait la connaissance, ce qui serait stérilisant et désenchantant. «Le sceptique est comme un affamé qui tournerait autour d’une pomme, ne cesserait d’en parler mais se forcerait à ne pas la trouver suffisamment bonne pour y planter les dents.» C’est là négliger la possibilité qu’on puisse légitimement tenir des choses pour vraies et progresser dans sa compréhension du monde sans avoir de certitude maximale sur les choses qu’on ne peut déduire de la seule logique. C’est ce que permet par exemple le probabilisme. D’après mon expérience, il est plus probable que j’existe plutôt que je sois trompé par un dieu malveillant…

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Vous venez de lire un éditorial en libre accès, tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°110). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

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