Vous êtes sur smartphone ?

Téléchargez l'application Le Regard Libre depuis le PlayStore ou l'AppStore et bénéficiez de notre application sur votre smartphone ou tablette.

Télécharger →
Non merci
Accueil » La mauvaise formulation des questions nuit à la qualité des débats
Politique

Edito

La mauvaise formulation des questions nuit à la qualité des débats4 minutes de lecture

par Jonas Follonier
0 commentaire
Jonas Follonier © Dessin de Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

La façon dont est posée une question joue un grand rôle dans le débat public. Cette dimension sous-estimée des discussions notamment contemporaines en explique de nombreuses issues. La confusion a fait beaucoup de mal au débat d’idées ces derniers temps.

Si la question restreint d’emblée certaines options, toutes ne seront pas sur la table. C’est la différence notable entre une question dite «ouverte», par exemple «Comment organiser la société?», et une question fermée, par exemple «Vaut-il mieux un socialisme soft ou un socialisme hard?». Cet exemple, évidemment caricatural, illustre plus de cas que l’on pourrait croire. Combien de contenus médiatiques où l’on s’interroge sur les moyens d’améliorer les conditions de détention dans les prisons, sans que l’idée sous-entendue selon laquelle il faut améliorer les conditions de détention ne fasse l’objet d’une question! Croire que l’on peut déduire de certains faits, et de ces faits seulementm des énoncés prescriptifs du type «il faut cela» est une erreur qu’avait déjà pointée le philosophe écossais David Hume au XVIIIe siècle.

Autre situation. Si la question n’est pas claire, que les uns et les autres la comprennent différemment, le débat en sortira biaisé. Une discussion que notre rédacteur Yann Costa a lancée au sein de notre rédaction pour ce numéro portait sur la question suivante: faut-il rendre les salaires publics en entreprise? Afin de lever toute ambiguïté sur ce débat, mon collègue a précisé à notre équipe qu’il fallait comprendre la question comme suit: «Est-ce bien, pour l’entreprise, de rendre les salaires transparents à l’interne?», et non pas «Est-il bon pour les entreprises de rendre leurs salaires publics, à savoir à l’externe?». Par cette clarification, Yann Costa en faisait également une autre: il s’agissait de se demander s’il est bon, pour une entreprise, de publier ses salaires à l’interne, et non s’il convient d’obliger les entreprises à le faire.

C’est un point crucial. En effet, un libéral pourra considérer la publication des salaires en entreprise comme une bonne mesure, sans pour autant vouloir contraindre politiquement les entreprises à adopter cette mesure. Imaginons un instant ce à quoi cela reviendrait d’obliger tout le monde à faire tout ce qui est (jugé) bon.

NEWSLETTER DU REGARD LIBRE

Recevez nos articles chaque dimanche.

La confusion a fait beaucoup de mal au débat d’idées ces derniers temps. Prenons la décision de la Cour suprême américaine en juin 2022 d’ôter de la Constitution fédérale le droit à l’avortement. Annuler cette garantie ne revenait pas exactement à supprimer le droit à l’avortement aux Etats-Unis, et encore moins à interdire l’adoption de ce droit, mais à laisser les Etats toute latitude pour légiférer en la matière. Le débat, on ne peut plus légitime, portait donc davantage sur la décentralisation d’un droit que sur sa négation. Ce n’est pas vraiment ainsi qu’on en a parlé.

Débattre, c’est rarement convaincre son adversaire ou partenaire de conversation, c’est la plupart du temps mieux s’entendre, c’est-à-dire délimiter un désaccord, comprendre pourquoi cela coince, et dès lors mieux présenter sa propre position. Le débat ne se résume pas à un combat, avec un vainqueur et un gagnant. S’il est réussi, un débat est une paternité. Il fait avancer une discussion, ou il peut même avoir le simple mérite de la rendre possible.

Bien définir les enjeux, c’est déjà mieux s’y retrouver – les philosophes en savent quelque chose. Débattre, c’est donc d’abord définir les termes. Et si cette activité peut paraître austère, elle est au contraire extrêmement stimulante. Trouver les bons mots, voilà donc aussi à quoi peut servir un magazine comme le nôtre. Grâce à un nouveau projet que nous vous dévoilerons dans quelques mois, cette attention aux concepts prendra une nouvelle dimension.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Vous venez de lire un édito en libre accès, contenu dans notre édition papier (Le Regard Libre N°108). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Contact

Le Regard Libre
Case postale
2002 Neuchâtel 2

© 2024 – Tous droits réservés. Site internet développé par Novadev Sàrl