Les adeptes de Donald Trump et les wokes semblent être des ennemis jurés. Pourtant, leurs attitudes respectives face au débat, aux institutions et à la société révèlent des similarités frappantes.
A première vue, tout oppose Donald Trump et ses soutiens inconditionnels, d’un côté, et les militants intersectionnels ou autres théoriciens du «genre» ou de la «race», de l’autre. Les fidèles de Trump s’affichent volontiers conservateurs, nationalistes et populistes. Les wokes, obsédés par les discriminations «structurelles», se veulent progressistes et cosmopolites. Pourtant, trumpisme et wokisme sont bien plus similaires qu’ils ne le prétendent ou ne le paraissent: ces deux phénomènes participent d’un même élan illibéral contemporain, comme en témoignent ces sept points communs.
1. Le mépris du débat rationnel
Les wokes comme les trumpistes ne cherchent pas la vérité, mais le pouvoir. Dans le précédent éditorial de votre serviteur, il était question des tendances parallèles de la «raison sans débat» (le politiquement correct, investi par les wokes) et du «débat sans raison» (le politiquement incorrect, prisé par les trumpistes). Les uns basculent dans le dogmatisme au nom de la raison (qu’ils oublient de pratiquer dans un cadre de débat); les autres, au nom du débat (qu’ils oublient de placer sous le signe de la raison).
2. Une tolérance à l’incohérence
Dans les deux camps, les contradictions flagrantes sont excusées, voire justifiées, au nom de la cause. Les wokes prônent l’inclusion, tout en excluant ceux qui dévient de leur ligne; ils promeuvent le changement de sexe, mais honnissent l’appropriation culturelle; ils affirment des identités individuelles définies en fonction de structures d’oppression, tout en militant pour l’abolition de ces mêmes structures… Les trumpistes, quant à eux, dénoncent la fraude électorale (qui aurait conduit selon eux à l’élection de Joe Biden), tout en saluant la transgression des règles – celles de l’Organisation mondiale du commerce, par exemple – dès lors qu’elle sert leur camp.
3. La culture de l’émotion
Les deux mouvements se nourrissent en particulier d’un sentiment de persécution: d’un côté, les wokes dénoncent des structures oppressives dont ils se disent victimes; de l’autre, les trumpistes se posent en citoyens exclus par des élites déconnectées. Dans les deux cas, le ressentiment devient moteur politique et se dirige contre le «système».
4. Un rejet en bloc des institutions traditionnelles
Universités, médias, tribunaux… Aucun pilier institutionnel n’échappe au discrédit a priori. Le wokisme veut «décoloniser» les institutions, le trumpisme les «nettoyer» du wokisme, sans s’appliquer à séparer le bon grain de l’ivraie.
5. La tentation de la censure
Dans un cas comme dans l’autre, la liberté d’expression n’est plus un principe à respecter, mais un obstacle à balayer. Alors que le woke empêche la tenue de discours soi-disant haineux, y compris l’opposition au mariage gay ou à la prise en charge médicale d’enfants en vue d’un changement de sexe, le trumpiste retire des bibliothèques des livres comme 1984 de George Orwell en raison de leur caractère prétendument sexuel.
6. La transgression pour la transgression
Les deux camps se nourrissent d’une posture de rupture ayant de la valeur en soi. Le wokisme bouscule ainsi les normes de langage, les traditions, les canons esthétiques; le trumpisme viole sans gêne les codes politiques, diplomatiques et juridiques.
7. L’utopie d’un monde purifié
Les deux visions promettent une société régénérée: sans racisme ni patriarcat d’un côté, sans immigration ni déficit commercial de l’autre. Pour Trump comme pour ses ennemis jurés, la nuance est trahison; le compromis, faiblesse.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com