La candidate du Rassemblement national pour la circonscription des Français de Suisse et du Liechtenstein a été interrompue par des activistes lors d’une réunion publique à Genève, avant d’être contrainte d’annuler un événement de campagne prévu à Lausanne.
Evincée du second tour aux élections législatives anticipées qui se tient ce dimanche, Déborah Merceron raconte au Regard Libre comment elle a vécu l’intervention de militants antifascistes lors de la réunion publique qu’elle a organisée à Genève le 26 juin. Elle revient également sur l’annulation d’une réunion publique le lendemain à Lausanne et plus généralement sur la difficulté de mener campagne sous la bannière du Rassemblement national (RN) en Suisse.
Le Regard Libre: Comment des militants antifascistes ont-ils procédé pour interrompre le rassemblement que vous aviez organisé à Genève?
Déborah Merceron: L’établissement dans lequel j’ai organisé cet événement est doté de plusieurs entrées et sorties. Les militants ont donc pu pénétrer sans encombre dans la salle où je m’exprimais. Une trentaine d’antifas est entrée dans les lieux et a scandé «Pas de quartier pour les fachos, pas de facho dans nos quartiers», tout en nous regardant d’un air menaçant et en bloquant les issues. Je me suis entretenue avec la serveuse, qui m’a dit qu’elle ne savait pas quoi faire. J’ai finalement pu m’échapper par une porte extérieure grâce à l’intervention du propriétaire du café alors que les activistes continuaient de crier leur slogan.
Nous sommes dans un pays libre: il n’est pas possible d’interdire à des militants d’entrer dans un lieu public pour faire entendre une opinion différente de la vôtre.
Oui, bien sûr. Mais il est scandaleux d’utiliser des méthodes fascistes d’intimidation et de violence. On a voulu me priver du droit à la parole et de l’exercice du droit fondamental qu’est la liberté de réunion. On a également privé les électeurs de la garantie de l’exercice normal du processus électoral. Ces individus ne partagent pas certaines de mes positions politiques, mais cela ne leur donne pas le droit de mettre en cause la liberté d’expression d’une candidate à des élections organisées de manière démocratique. Il est inadmissible que la menace et l’intimidation aient gagné sur la liberté d’expression et sur la démocratie.
Quelle réponse avez-vous donnée à cette tentative d’intimidation?
Je n’ai pas pu porter plainte contre les individus qui ont interrompu ma réunion, puisque je ne connais pas leur identité. Mais j’ai déposé une main courante. Cela signifie que j’ai rendu compte de l’événement à la police, sans que des poursuites soient nécessairement engagées par le procureur.
Et j’imagine que vous devrez faire appel à des forces de sécurité à l’avenir. Cela vous paraît-il normal?
Oui, nous devrons le faire. Les candidats n’appartenant pas au RN n’ont pas nécessairement besoin de faire appel à des agents de sécurité lorsqu’ils organisent une réunion publique en Suisse, puisqu’on ne vient pas les importuner. A la suite de cette agression, j’ai reçu de nombreux messages de soutien de la part des électeurs, mais aucun de la part de mes adversaires. Ils pensent certainement que cette violence est légitime. Ceux qui se présentent comme démocrates et qui ne condamnent pas sont complices. Ils laissent entendre que contre une candidate du RN, on a le droit d’agir ainsi. Je trouve cela choquant. Par ailleurs, les activistes qui ont interrompu ma réunion publique sont proches de La France insoumise. La manière dont ces personnes affiliées à cette formation politique tentent de changer les règles du jeu démocratique à leur avantage me dérange profondément.
La candidate du Nouveau Front populaire (coalition des principaux partis politiques français de gauche) en Suisse a-t-elle encouragé l’action de ces militants?
Je ne sais pas si la candidate du Nouveau Front populaire dans la circonscription des Suisses de l’étranger a encouragé l’action, mais elle ne l’a pas dénoncée. Les médias romands auraient pu parler davantage du caractère radical de certains autres membres du Nouveau Front populaire. Ainsi, à Avignon, les responsables de cette alliance électorale ont investi Raphaël Arnault, un fiché S membre de la Jeune Garde. Il s’agit d’une organisation antifa dont les actions sont violentes et antisémites.
Après l’interruption de votre rassemblement à Genève, vous avez également dû annuler celui prévu à Lausanne…
En effet. Alors que je n’ai mené aucune action pour empêcher mes adversaires de s’exprimer, les menaces de certains militants d’extrême gauche ont empêché la tenue d’une réunion publique que nous avions prévu d’organiser dans un café lausannois.
Certains titres romands ont rendu compte de ces deux incidents. De manière générale, que pensez-vous de la manière dont les médias suisses ont traité votre candidature?
Je pense que les médias auraient pu accorder davantage d’intérêt à ma candidature, puisqu’elle a attiré près 15% des électeurs. C’est sept fois plus de voix qu’en 2022. Or la Radio Télévision Suisse (RTS) n’avait au départ pas l’intention de m’inviter au débat qu’elle organisait entre les principaux candidats de la circonscription des Français de Suisse et du Liechtenstein. Je l’ai appris au cours de l’émission, lors d’une prise de parole de la candidate du Nouveau Front populaire. Je souhaite tout de même remercier la RTS de m’avoir finalement invité en tant que candidate du premier parti de France. Au lendemain du premier tour, Le Matin titrait «Les Français de Suisse ne veulent pas du Rassemblement national», alors que j’ai récolté près de 15% de leurs suffrages. Je m’attendais à davantage d’impartialité de la part de la presse romande, puisque c’est une élection française en Suisse.
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