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Politique

Edito

Ni raison sans débat ni débat sans raison3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Jonas Follonier © Dessin de Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre

Le politiquement correct pousse à se réclamer de la raison, mais sans s’ouvrir au débat, quand le politiquement incorrect pousse à ouvrir le débat, mais sans prendre en compte la raison. Deux options à rejeter, car débat et raison vont ensemble.

Deux tendances absurdes et dangereuses creusent leur sillon dans nos démocraties libérales. Du côté du politiquement correct, l’heure est à la «raison sans débat»: convaincus a priori d’être détenteurs de la vérité, les représentants de la bien-pensance appellent à un tri des contenus sur les réseaux sociaux et ne pratiquent la discussion politique que dans un cadre restreint allant, pour faire simple, du social-libéralisme au libéralisme social. Voyez donc les adversaires de X, l’ex-Twitter. En face, le politiquement incorrect – né au moins en partie en réaction au politiquement correct – consiste à pratiquer le «débat sans raison»: peu importe les faits, pourvu qu’on débatte. Voyez donc le fondateur de X, Elon Musk, et une partie substantielle de ses fans.

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Dans un cas comme dans l’autre, le débat et la raison sont mal compris. Car l’un ne va pas sans l’autre. En défendant le débat rationnel comme fondement du progrès de l’individu et donc de la société, le libéralisme classique défend à la fois le débat et la raison. Bien plus encore, il défend leur caractère consubstantiel.

La mise à l’épreuve, condition de la vérité

C’est ce que l’on apprend à l’école des épistémologues Bertrand Russell et Karl Popper: la philosophie et la politique doivent fonctionner de manière analogue à la science. Toute thèse doit pouvoir être énoncée, pourvu qu’elle soit compréhensible et falsifiable, au sens de pouvant faire l’objet d’une éventuelle réfutation. Un exemple d’énoncé qui n’est pas falsifiable: «Il existe des aliens invisibles au sein même de notre société, qui échappent à notre connaissance.» Puisqu’il est impossible de montrer que cette thèse est fausse, elle est pour ainsi dire gratuite, ou non scientifique. Nous n’avons alors pas de raisons d’y croire. A l’inverse, seules les thèses qu’il serait possible de contredire par l’observation sont susceptibles d’être tenues pour vraies – de façon provisoire – tant qu’aucune donnée ne vient les invalider.

Car il s’agit bien de cela en science: tester l’hypothèse la plus probable en la confrontant à l’expérience. Un élément qui contredit cette hypothèse, et la voilà rejetée au profit d’une hypothèse plus probable. Ainsi doit-il également en aller en philosophie ou en politique, pour éviter de passer à côté de mises à l’épreuve, qui elles seules nous permettent de nous améliorer. Les entrepreneurs, à qui nous consacrons le supplément de ce mois, le savent bien. Ils doivent leur réussite à leurs échecs.

Défendre le débat rationnel

Depuis quelques années, on n’éprouve plus suffisamment cette importance du débat rationnel. Le politiquement correct pousse à se réclamer de la raison, mais sans s’ouvrir au débat. Le politiquement incorrect pousse à ouvrir le débat, mais sans prendre en compte la raison – et donc les faits qui n’arrangent pas le discours que l’on entend porter. Le résultat, une somme de petits dictateurs en puissance qui veulent imposer leurs vues, qu’ils se trouvent à la tête d’Etats, au bas de la société ou au sein d’une rédaction. Cet autoritarisme mène finalement à la violation des droits individuels, ce contre quoi nos démocraties libérales sont justement censées nous prémunir.

Dès lors, pour continuer de protéger la liberté, et conserver la société qui rend possible cette protection, il importe de défendre le débat rationnel. Et plus que de le défendre, il faut aussi le pratiquer. Dont acte au Regard Libre, où nous nous efforçons de faire avancer les discussions en attendant la contre-argumentation. Alors lisez-nous et écrivez-nous; nous vous lirons et vous écrirons.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

Vous venez de lire un éditorial en libre accès, tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°114). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

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