Le Regard Libre N° 22 – Sébastien Oreiller
La philosophie orientale, notamment la Baghavad Gita, met souvent en avant le principe du renoncement, renoncement aux désirs et aux attaches matérielles. Hermann Hesse, dans son Siddharta, s’inspire de cette idée du renoncement, tout en l’adaptant à notre optique occidentale, judéo-chrétienne : la conclusion du roman, à travers l’image du fleuve, nous laisse entrevoir le cours de la vie comme étant véritablement le sens du Tout et de l’Un. Exit donc l’idée d’un ermite, à moitié nu, dans une grotte de l’Himalaya. Cette interprétation me paraît attrayante, car elle s’écarte du dessèchement matériel et émotionnel, tout en mettant l’accent sur l’acceptation de son propre sens de la vie, indépendant et pourtant intrinsèquement lié à la vie des autres.
La « Maya » est l’illusion du monde, l’illusion de la réalité des choses. Sans entrer dans un débat platonicien sur les idées, la caverne et autres, restons concrets et disons simplement que la Maya, à notre niveau de tous les jours, peut être l’illusion de l’importance que l’on donne à certaines choses, nous-mêmes, mais surtout les autres. Tous les groupes, qu’il s’agisse de groupes d’âge, de groupes sociaux ou culturels, définissent certains éléments comme ayant plus ou moins de valeur. Sans aller jusqu’à parler d’inconscient collectif pour des faits qui restent, somme toute, bien triviaux, il serait assez justifié de qualifier ces éléments d’habitus, à la suite de Bourdieu, que je n’aime pourtant pas beaucoup. On est bien dans tel groupe, parce que l’on possède ceci, parce que l’on fait cela ; paradoxalement, ceux qui prétendent le plus à l’indépendance, voire à l’irrévérence face aux exigences sociales, peuvent peut-être se le permettre parce que ce sont ceux qui répondent le mieux à ces mêmes critères, des poissons dans l’eau pourrions-nous dire, qui n’ont rien de guérilleros, quoiqu’ils s’en donnent les apparences…