Le Regard Libre N° 27 – Léa Farine
« Le plus souvent, rien de particulier ne me tracasse, du moins rien qui ne soit aussitôt rectifiable, rien d’autre que le besoin de faire un pas de côté loin de ma vie pendant un ou deux jours et de marcher en pays inconnu. Peu après l’aube, équipé d’une carte de la région, je me promène dans les champs déserts, les canyons, les bois, mais de préférence près d’un torrent ou d’une rivière, car depuis l’enfance j’aime leur bruit. L’eau vive est à jamais au temps présent, un état que nous évitons assez douloureusement. » (Jim Harisson, En Marge)
Le temps présent – voilà peut-être ce qui caractérise le mieux l’œuvre de Jim Harrison. Cet écrivain et poète américain, né en 1937 dans le Michigan et mort en 2016, use du langage comme d’un matériau brut, presque physique, qui fait voir et fait sentir sans jamais verser dans une esthétisation trop artificielle.
Son confrère Yann Queffelec écrit dans Le Nouvel Observateur en 1981 : « Le style est à lui seul un chef-d’œuvre, une leçon pour auteurs français plus habiles à sodomiser les mouches de la ponctuation, à sacraliser des arguties qu’à livrer une inspiration urgente. » Que l’auteur décrive les grandes plaines et forêts américaines, ses parties de chasse en solitaire, les grandes beuveries qu’il affectionne, ou l’existence et les rêves de ses personnages, c’est toujours avec chair, avec sang, avec bruits et odeurs – ça vit.