Les mélodies du jeudi – Diego Taboada
Ce samedi 26 janvier, Genève a mis à l’honneur le rap français pour la troisième année consécutive. 7000 participants se sont donnés rendez-vous pour vibrer sur les sons de Dosseh, Columbine ou encore VALD. Le succès de The Beat confirme à nouveau l’engouement pour la musique urbaine et lui donne l’opportunité de s’inscrire durablement dans le paysage musical romand.
Jeunes, voire très jeunes: le public présent à l’Arena de Genève aura fait se sentir vieux un spectateur dépassant tout juste la vingtaine. Les adultes plus «mûrs» que l’on aperçoit dans la salle semblent incrédules. On les devine interloqués, peut-être surpris de la «normalité» dans laquelle se déroule un festival de rap traînant tant de préjugés. C’est une ambiance bon enfant et dynamique à laquelle on assiste, totalement étrangère aux représentations que l’on pourrait avoir des apparitions de rappeurs comme NTM dans les années nonante. Les concerts de ce groupe précurseur du rap hardcore sont effectivement connus pour avoir été perturbés – certains utiliseront le terme «encadrés» – par l’intervention de CRS, équipés comme un samedi jaune sur les Champs-Elysées.
Cette troisième édition est réussie pour The Beat: un show sans bavures et des artistes à la hauteur de l’événement qui ont su maintenir un public éveillé pendant près de sept heures d’affilée. Performance qui n’était pas gagnée d’avance, tant l’édition 2018 avait dépassé les expectatives avec la participation d’artistes comme Roméo Elvis, Kaaris, Sofiane ou encore Damso, tous des poids lourds de la «raposphère». Après cette opération bénie à guichets fermés, difficile de faire mieux, surtout avec une programmation qui se profilait moins alléchante.
Néanmoins, les artistes ont été à la hauteur de l’événement. Lord Esperanza, artiste le moins connu, a fait part de son potentiel et de la variété de son style. Le rappeur Dosseh a plu par sa communion avec le public. Moment cocasse, lorsqu’un PLK fatigué se croit à Bruxelles lors des salutations d’usage. Erreur vite rattrapée, par un artiste talentueux et déterminé à suivre les pas de son modèle et mentor Nekfeu. Mention particulière au groupe Columbine, dont la profondeur des textes poétiques ne manquait pas d’interprétation dynamique.
La prestation de Moha La Squale a indéniablement constitué le bémol de la soirée. Son énergie et sa bonne volonté ne l’ont pas sauvé d’une performance assez pauvre, alors qu’il était très attendu. Tête d’affiche cette année, VALD, réputé pour la qualité de ses concerts a, lui, livré une performance à la hauteur de son statut, démontrant qu’il fait désormais partie de la cour des grands. Avec un profil atypique qui le rend attachant, l’artiste qui a lui-même «l’impression d’avoir fait carrière sur un malentendu» oscille entre la parodie, la dérision et le flow incisif.
The Beat a donc encore une fois réussi à rassembler des artistes accomplis et des rappeurs en devenir lors d’une même soirée. Le festival est en phase de se convertir en une date incontournable pour les interprètes ainsi qu’en un formidable tremplin pour les «lyricistes» moins rôdés. The Beat s’impose incontestablement comme un candidat de choix pour doper à terme l’offre culturelle de la cité de Calvin, réputée pour son puritanisme. Et ça fait du bien.
Ecrire à l’auteur: diego.taboado@leregardlibre.com
Crédit photo: © The Beat