Article inédit – Erica Berazategui
Née à Bienne, Fanny Diercksen, ou plus communément Phanee de Pool, connaît un succès sensationnel, en Suisse et ailleurs. Avec deux albums depuis 2017 et des spectacles à n’en plus finir, elle a réussi à séduire un large public. Son style? Le slap, une douce contraction de slam et de rap, proposée par ses soins et à son image: unique et fantasque. Au sortir d’un concert au Théâtre Nebia, à Bienne, et d’un échange avec l’artiste, voici les ingrédients de son monde qui se dévoilera sur nos écrans dès le 4 janvier.
Son parcours peut sembler étonnant à celui qui l’entend souvent à la radio depuis quelques années. Après un diplôme d’école de commerce et une tentative à l’Ecole de Jazz et de Musique Actuelle (EJMA) de Lausanne, Fanny Diercksen a entamé une formation de policière. Elle rêvait pourtant de gagner sa vie avec la musique. Pourquoi un tel revirement? «J’avais envie d’être proche des gens, d’avoir du contact, mais en vérité, c’était aussi une histoire de pognon.» Profitant alors de prendre son indépendance financière, la Biennoise reste dans les rangs de la police durant sept ans.
Le déclic Luis Mariano
Sept longues années durant lesquelles elle n’utilisera pas sa voix et ne touchera à aucun instrument de musique. «Je m’étais résignée, j’avais mis mon rêve de côté», confie-t-elle doucement. Mais le 11 septembre 2016, le déclic survient et Phanee de Pool éclôt. «Comme chaque année, je regardais les tours jumelles s’effondrer et d’un coup, j’ai pris conscience de cette espèce de routine interminable et inintéressante que je suivais: boulot, télé, manger, dormir et rebelotte le lendemain.» C’est cette même journée que l’artiste crée Luis Mariano, son premier morceau: en moins de 24 heures, pas moins de milles écoutes s’affichent déjà. «J’ai compris qu’il se passait un truc. J’ai alors mis en place une espèce de rituel: j’ai commencé à mettre en ligne plus ou moins une chanson tous les mois. C’est de là que tout est parti.»
Cinq ans après, en la voyant sur scène, on ne douterait pas qu’elle laisse tomber son rêve quelque temps. Phannee de Pool occupe la scène avec ses mots cinglants, ses mouvements extravagants et son énergie badass, le tout baigné dans une douce harmonie de lumière et d’images virtuelles projetées sur un écran. Pour le spectacle en question, elle est accompagnée d’un orchestre de chambre ainsi que du pianiste Etienne Champolion. Le contraste entre l’aspect décalé de l’artiste et le classicisme des musiciens est un délice. A tel point que cette disparité se transforme rapidement en une espèce de joyeux chaos. Tout au long du concert, on traverse tant des morceaux doux et calmes que d’autres terriblement énergiques. On sera également pris de fous rires contagieux face à une chanteuse qui révèle aussi des talents comiques.
Qui est Panee de Pool?
Bien que le mélange soit réussi, il se trouve tout de même à la limite du too much. En fait, on se retrouve réellement plongé dans un univers parallèle: si on n’y saute pas à pieds joints, les yeux fermés et confiant de ce qui nous attend, le retour à la réalité peut être très rapide. Interrogée par nos soins, Fanny Diercksen affirme «ne pas avoir à faire trop d’efforts pour être Phanee de Pool», mais on peut se demander quel énergumène nous fait face sur scène: soit une artiste-actrice qui endosse son rôle à merveille, soit une personne qui donne simplement à voir son humanité et nous hypnotise. Malgré ce qu’a murmuré une dame dans le public au début du concert, il n’y a pas forcément besoin de «comprendre ses chansons»: peut-être qu’on peut également se laisser simplement emporter dans cette galaxie lointaine.
En sortant de la salle, on ne sait pas vraiment quoi penser de ces deux heures loufoques. A l’image de ce que compte projeter Phanee de Pool, qui ne souhaite pas «être une donneuse de leçons», on ne se trouve pas secoué, ni avec une envie de renverser le monde. Tout au plus, on se voit heureux et ravi d’avoir découvert un autre monde, justement. Et c’est déjà amplement suffisant.
Sans cesse à la recherche d’expérimentations, Phanee de Pool a mis sur pied le spectacle «Symphogramme»: un arrangement entre son univers, celui d’un orchestre symphonique et ceux de ses invités. Produit en novembre dernier à l’Auditorium Stravinski, ce spectacle sera diffusé sur RTS1 le 4 janvier et en salle de cinéma, notamment à Vevey, Aigle et Montreux, ainsi que Neuchâtel, dès le 6 janvier.
Crédit photo: © Pierik Falco