Le Nouveau Front populaire, arrivé premier dimanche au second tour des législatives anticipées, ne forme pas une majorité absolue à l’Assemblée. La France est de droite et Emmanuel Macron devra en prendre compte pour la nomination du Premier ministre.
La Ve République est-elle arrivée au soir de sa vie? Ce régime prévoit que le chef de l’Etat français puisse présider le pays en pouvant s’appuyer sur une majorité de son camp au Parlement. Le groupe centriste d’Emmanuel Macron n’avait déjà plus de majorité absolue (fixée à 289 sièges) depuis 2022, il est désormais relégué à la deuxième place depuis le second tour de dimanche. Contrairement à ce que disaient les sondages, ce n’est pas le Rassemblement national (RN), arrivé troisième, mais le Nouveau Front populaire (NFP), une alliance des gauches montée pour faire barrage au RN, qui a remporté la majorité relative avec 178 sièges. Le camp présidentiel en a obtenu 150 et le RN 142.
La première leçon à tirer de ce résultat est que les consignes de vote données par la gauche et les macronistes ont tellement bien fonctionné que c’est la NFP qui est arrivée gagnante, alors même que le RN était arrivé en tête au premier tour une semaine plus tôt, après son succès aux élections européennes le 9 juin. Un comble pour le mouvement présidentiel, qui martelait qu’il n’y avait aucun risque à voter pour la gauche face à un candidat RN, puisque Jean-Luc Mélenchon et ses amis n’arriveraient jamais aux portes du pouvoir. Le discours du meneur de gauche radicale, premier à prendre la parole pour la gauche dimanche soir, montre qu’il ne voit pas les choses de la même façon.
Une gauche illégitime à gouverner
A en croire Mélenchon, il revient à la NFP d’accéder au poste du Premier ministre et d’appliquer son programme, sans concession aucune avec d’autres partis. Drôle de vision pour le représentant d’une force politique dont l’une des seules mesures intéressantes de son programme est le passage à une VIe République, avec une introduction de la proportionnelle et une décentralisation effective des tâches. Alors que la crise qu’est en train de vivre le système inviterait à faire l’expérience du compromis, dans un élan helvétique, le tribun populiste ne prend même plus la peine de cacher son amour du pouvoir unique.
Ironique vision également, dans la mesure où le NFP a certes mieux fait que les autres, tant en nombre de sièges absolu que de sièges supplémentaires par rapport à 2022, mais ne représente qu’une minorité par rapport aux forces de droite. Cela, sans même compter celles du centre, que la gauche mélenchoniste assimile elle-même à la droite. Rappelons d’ailleurs qu’en 2022, elle estimait que le camp présidentiel, reculant à 245 sièges, n’avait pas de majorité relative suffisante pour gouverner… Et si l’on regarde les détails des partis, celui de Mélenchon (La France insoumise) perd même un siège par rapport aux 75 qu’il détenait il y a deux ans. La gauche qu’il porte, fermée au dialogue, est illégitime pour briguer le poste de Premier ministre. Le nouveau gouvernement pourrait cependant piocher dans la centaine de socialistes, écologistes et même communistes qui constituent la majorité des élus NFP.
Le sens des réalités
Du centre, de centre droit ou de droite, la personne qui succédera à Gabriel Attal aura la tâche ardue de prendre en compte les préoccupations des Français ayant voté pour le NFP tout en ne trahissant par les demandes de la population dans sa grande majorité. Certes, celle-ci veut plus de pouvoir d’achat, mais elle veut également plus de sécurité et moins d’immigration. Les enquêtes d’opinions sont claires à ce sujet. On l’a compris, ils ne comptent pas tous sur le RN, trop amateur et imprévisible, pour effectuer ce travail. Cependant, si le reste de la classe politique ne tient pas compte de ce qui fait le succès de la formation lepéniste, arrivée tout de même première en nombre de voix exprimées, la vague qui arrivera la prochaine fois sera plus grande encore.
Les Français veulent également se sentir moins humiliés: c’est le style de présidence de Macron, vertical et arrogant, qui fédère les colères davantage encore que son bilan. Outre son profil politique, le Premier ministre sera bien inspiré d’adopter un style politique rassembleur, et le locataire de l’Elysée de le laisser gouverner. La nouvelle équipe devra néanmoins avoir le sens des réalités économiques. En mentant aux Français, en différant les réformes nécessaires pour rendre les services publics plus efficaces, libérer les marchés, réduire la dette au lieu de la creuser encore et encore, elle ne fera que propulser les électeurs vers l’originale du démagogisme plutôt que la copie. Et celle-ci se paiera finalement très cher.
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