Le récent ralliement de Donald Trump au discours pro-Bitcoin est davantage l’effet d’un emballement accru autour de la plus célèbre des cryptomonnaies que l’inverse. Quelques faits.
Ce jeudi 5 décembre, Bitcoin a dépassé le seuil symbolique des 100’000 dollars américains, un nouveau record. Comme attendu, les commentaires médiatiques s’enchaînent pour tenter d’expliquer cet événement. La majorité des médias (24 heures, RTS, BBC, CNN…) semblent s’entendre sur une cause: l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis. Pour leur défense, ce dernier s’est effectivement attribué le mérite de cette hausse en disant «Bitcoiners, you’re welcome» («Bitcoiners, je vous en prie!»).
En dehors des discours politiques, le statut de Bitcoin a beaucoup évolué ces derniers mois, tant sur le plan institutionnel qu’en termes d’adoption par les marchés… et cela bien avant l’élection de Trump. De nombreux observateurs estiment d’ailleurs que le Républicain s’est tourné vers Bitcoin, ainsi que ses adeptes, précisément parce que cette crypto a gagné en popularité et en respectabilité, et non l’inverse.
Une reconnaissance officielle
Le 11 janvier, la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur financier américain, a approuvé la création d’ETF Bitcoin, un produit financier très attendu qui ouvre aux fonds de gestion l’accès à ce type d’investissement. On peut tenir cette approbation pour une reconnaissance de Bitcoin par les autorités.
Il s’agit du lancement le plus réussi de l’histoire, atteignant dès le premier jour un volume de transactions de 4,6 milliards de dollars, un record pour un lancement. Dix mois plus tard, la valeur de l’ETF Bitcoin (IBIT) surpassait même celle de son équivalent en or (IAU), établi depuis plusieurs décennies.
Depuis début janvier, les ETF Bitcoin ont connu une croissance fulgurante, accumulant aujourd’hui plus de 1,2 million de bitcoins, soit environ 124 milliards de dollars. Cette adoption massive a surpris et enthousiasmé le monde de la finance, marquant une étape historique dans l’intégration des cryptomonnaies aux marchés traditionnels.
Le discours des figures majeures du secteur financier a également profondément évolué. Le 4 décembre, soit le jour avant la nuit où le dépassement des 100’000 dollars a eu lieu, Jerome Powell, président de la Réserve fédérale américaine (FED), a décrit Bitcoin comme «un concurrent de l’or». En juillet, Larry Fink, PDG de BlackRock, l’a qualifié de «fuite vers la qualité». Même Jamie Dimon, qui avait qualifié Bitcoin de «fraude» en 2017, a depuis regretté ses propos, reconnaissant désormais le potentiel de la technologie.
La préservation du capital
Il en va de même des personnalités politiques. En 2021, le jeune président du Salvador Nayib Bukele a pris la décision d’adopter Bitcoin comme monnaie nationale. En 2023, le président argentin Javier Milei a exprimé des positions favorables au Bitcoin et donné son accord pour l’utilisation de cette monnaie pour les transactions financières. Vladimir Poutine a également déclaré que Bitcoin «ne pouvait pas être interdit et continuerait à se développer». Et aux Etats-Unis, le parti républicain a pris une position très favorable à cette cryptomonnaie et devrait passer le «Bitcoin Act 2024», une loi visant à créer une réserve fédérale en Bitcoin.
Ce regain de légitimité est également soutenu par l’adoption croissante par les acteurs financiers traditionnels. De nombreuses entreprises ont ajouté Bitcoin et d’autres cryptomonnaies à leur bilan (Tesla, MicroStrategy, MetaPlanet…) ou proposent ce service à leurs clients. On pense notamment à PostFinance ou aux banques cantonales de Zurich et Saint-Gall, qui en font régulièrement la publicité.
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De plus, la résilience de Bitcoin face aux nombreuses turbulences du marché contribue à renforcer la confiance des investisseurs. Bien que les fluctuations de son prix puissent être volatiles, l’attrait de Bitcoin réside dans sa rareté programmée et sa nature décentralisée, qui en font un actif unique, à l’abri des manipulations monétaires. La notion de «fuite vers la qualité», telle que mentionnée par Larry Fink, témoigne de la confiance croissante envers Bitcoin en tant qu’alternative face à l’inflation et à l’incertitude économique.
Bitcoin est désormais envisagé comme un actif mature, capable de coexister avec des instruments financiers traditionnels, tout en offrant une proposition de valeur singulière: celui de réserve de valeur électronique. Ce changement de paradigme augure d’un futur où les cryptomonnaies pourraient jouer un rôle central dans les portefeuilles d’investissement et dans l’économie mondiale.
Des incertitudes qui subsistent
Cependant, des défis subsistent. La régulation reste un point sensible. Si Bitcoin bénéficie d’un cadre relativement clair, ce n’est pas le cas des milliers d’autres cryptomonnaies. Des incertitudes planent également quant aux futures décisions des régulateurs dans différentes régions du monde.
Une chose est toutefois certaine: Bitcoin a désormais acquis une reconnaissance, à tous les niveaux de la société, qui paraissait encore improbable il y a quelques années. Son avenir au sein du système financier global semble de plus en plus prometteur.
Frédéric Jollien est économiste et spécialiste en cryptomonnaies. Membre du comité de l’Institut libéral, il participe également à «l’initiative Bitcoin», qui vise l’introduction de cet actif aux réserves de la BNS.