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Le bitcoin convient à la Suisse7 minutes de lecture

par Ronnie Grob
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Bictoin. Photo: Unsplash

La Suisse, pays de liberté, de neutralité et de décentralisation, devrait s’intéresser au bitcoin. Car la cryptomonnaie est une monnaie libre, neutre et décentralisée.


L’article original est paru en allemand dans Schweizer Monat.


L’article 2 de la Constitution fédérale de 1848 stipulait: «La Confédération a pour but: d’affirmer l’indépendance de la patrie à l’égard des tiers, de maintenir la tranquillité et l’ordre à l’intérieur, de sauvegarder la liberté et les droits des Confédérés et de promouvoir leur prospérité commune.» C’est sur ces bases qu’un pays autrefois pauvre et arriéré est devenu l’un des pays les plus riches du monde. Depuis, l’évolution technique a changé beaucoup de choses, et le progrès qui l’accompagne tourne de plus en plus vite. Le monde d’aujourd’hui est beaucoup plus interconnecté et international qu’il y a 175 ans et, avec l’avènement d’Internet, moins territorialisé. Les lois sont toujours locales, mais le travail, la production et la communication sont de plus en plus mondiaux à l’ère de l’information, et les modèles commerciaux sont internationalisés.

Cette nouvelle ère a également donné naissance à un nouveau type de monnaie lors de la crise financière de 2008/2009: le bitcoin. Il n’a pas de créateur clair, il n’est émis par aucune instance centrale. Il est ouvert (et donc accessible à tous), transparent (et donc vérifiable par tous), résistant à la censure (et donc librement utilisable par tous) et organisé en quantité limitée et de manière décentralisée (et donc difficilement manipulable, que ce soit par des Etats ou des multinationales).

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Toutes ces caractéristiques s’appliquent certes plus ou moins à l’or, comme à d’autres métaux précieux. Mais le bitcoin est plus pratique que l’or et parfaitement adapté à l’ère de l’information: d’une part, la monnaie sécurisée par cryptographie permet de conserver la valeur de sommes très importantes dans un espace très réduit. D’autre part, cette monnaie divisible à l’infini permet de transférer de très petits montants en quelques secondes via le Lightning Network, comme avec Twint. Les deux exigences fondamentales posées à l’argent dans la vie quotidienne – son utilité en tant que réserve de valeur et moyen de paiement – sont ainsi satisfaites.

Mais le bitcoin correspond aussi aux valeurs associées à la Suisse, pays traditionnellement libéral:

1. Le volontariat.

Alors que les billets de banque et les pièces de monnaie en francs suisses sont soumis dans notre pays à une obligation légale d’acceptation par tout un chacun, le bitcoin n’est lié à aucune contrainte. Son utilisation reste volontaire et donc pacifique: comme un contrat librement consenti, il n’est conclu que si les deux parties se déclarent d’accord. Le bitcoin se propose simplement de devenir l’infrastructure monétaire d’un monde basé exclusivement sur le libre échange et la libre collaboration. Et fournit à l’individu les outils nécessaires pour qu’il puisse agir sans être contrôlé par l’Etat. Comme les produits et les entreprises sur un marché libre, le bitcoin reste une offre. La Confédération est également une société de consentement, dans laquelle on peut entrer par mariage ou par naturalisation.

2. La neutralité.

Comme le soulignent les professeurs Andrew Bailey et Craig Warmke dans leur article «Neutral Money: Why Bitcoin Stands Apart», le bitcoin est né neutre, neutre dans la politique monétaire en cours, neutre dans la transmission. Le bitcoin est donc véritablement neutre et ne s’impose à personne. Tout comme la Suisse, qui offre ses bons offices en tant que médiateur dans les conflits internationaux. Elle incarne ainsi le principe de non-agression décrit par l’économiste américain Murray Rothbard, selon lequel aucune agression, qu’elle émane d’un Etat ou d’un individu, ne peut avoir de justification morale. Comme tout libéral, la Suisse veut que ses entreprises et ses habitants puissent commercer librement avec le monde entier et qu’ils soient laissés en paix pour le reste.

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3. La décentralisation.

Aucune entité centrale ne peut dominer le bitcoin. En pratique, cela signifie qu’aucune des parties impliquées ne disposera jamais de la majorité des parts de voix nécessaire à des changements fondamentaux. De la même manière que la Suisse, organisée sur un mode fédéral, a élaboré un système sophistiqué de répartition du pouvoir entre la Confédération, les cantons et les communes, le pouvoir dans le cas de Bitcoin est réparti entre les mineurs, les exploitants de nœuds et les détenteurs de coins. Ce qui se passe dans un cas selon les règles de la Constitution fédérale, suit dans le cas du bitcoin les règles du code inscrit de manière immuable.

4. La stabilité.

Alors que l’inflation est revenue bruyamment, le franc reste remarquablement stable. Même si la pièce de dix centimes de 1879 a perdu une grande partie de son pouvoir d’achat, il est encore possible de l’utiliser aujourd’hui. L’infrastructure du bitcoin, dont l’horloge tourne avec une précision suisse, se distingue également par sa stabilité: toutes les dix minutes en moyenne, les mineurs trouvent un nouveau bloc qui est ensuite ajouté à la plus longue chaîne de la blockchain. Depuis quinze ans, sans interruption. Et une fin n’est pas en vue.

La question de savoir si l’on paie actuellement 1’000 francs pour un bitcoin ou 100’000 francs fait l’objet de nombreuses discussions et est importante au quotidien. Ces fluctuations de prix, mesurées à l’aune de la monnaie fiduciaire, sont actuellement le destin inéluctable d’une jeune monnaie dont la feuille de route pour l’expansion de la masse monétaire reste transparente pour tous, immuable et limitée à 21 millions d’unités. Contrairement aux monnaies fiduciaires inflationnistes, le bitcoin est régi par le concept de rareté absolue. Ainsi, un bitcoin reste un bitcoin de manière fiable – on ne peut pas faire plus stable.

Comment une union pourrait réussir

Les discussions sur les prix détournent en tout cas l’attention de la question de la stratégie à long terme que l’on veut adopter. L’idée de commercialiser le canton de Zoug en tant que «Crypto Valley» était un bon coup. Maintenant, des villes comme Lugano lui emboîtent le pas. En effet, de nombreuses entreprises suisses ont déjà trouvé un modèle commercial autour du bitcoin, emploient des collaborateurs et paient des impôts. Si la Suisse parvient à progresser sur cette voie, elle deviendra une pionnière en matière de services dans le domaine de la cryptographie. Les grandes banques, qui ont jusqu’à présent presque complètement raté la révolution monétaire, ont une marge de progression importante.

La Banque nationale suisse (BNS) devrait également faire ses comptes. En 2022, elle a subi une perte de 132 milliards de francs sur sa montagne de devises. Si elle veut réduire ses risques de perte, elle doit continuer à diversifier ses réserves de devises: s’éloigner de l’euro, du dollar américain et d’autres monnaies de réserve traditionnelles, car ce sont des placements qui devraient perdre 5% à 10% de leur valeur chaque année dans les années à venir, rien qu’en raison de la forte inflation. De plus, ces monnaies sont soutenues par des Etats qui peuvent les utiliser pour leurs propres intérêts politiques. Outre le classique or, l’innovation du bitcoin constitue une alternative. Une demande en ce sens a été déposée auprès de l’assemblée générale de la BNS en 2022. La BNS a répondu qu’elle était déjà techniquement en mesure d’acheter du bitcoin, mais qu’elle y renonçait pour l’instant pour des raisons de politique monétaire.

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Ceux qui attachent de l’importance aux valeurs suisses classiques devraient reconsidérer leur attitude sceptique vis-à-vis du projet de monnaie libre, neutre, décentralisée et résistante à la censure et examiner sans préjugés le bitcoin et ses caractéristiques particulières.

Au gré des numéros, Le Regard Libre traduit des articles du magazine alémanique Schweizer Monat. Ronnie Grob en est le rédacteur en chef.

Vous venez de lire un article tiré de notre dossier ARGENT, publié dans notre édition papier (Le Regard Libre N°108).

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