Bien que la solution suisse d’identité électronique soumise au vote ce dimanche soit peu centralisée et qu’elle garantisse la vie privée, elle comporte un risque qu’il conviendrait de prévenir par exemple via une autre votation.
Ce dimanche, les Suisses se prononcent sur l’introduction de l’e-ID, une identité électronique visant à simplifier les démarches administratives et les interactions numériques. Cette solution offre des garanties solides pour la vie privée: les certificats restent sur le téléphone des citoyens, la Confédération n’accède pas aux données personnelles et des certificats «allégés» permettent de limiter les informations partagées (par exemple, prouver son âge sans révéler son nom). De plus, le système est peu centralisé. En effet, chaque organisme gère ses propres certificats, ce qui limite les risques en cas de piratage.
Dans l’ensemble, ce projet compte donc beaucoup de points forts. Cependant, deux points faibles persistent. D’une part, la centralisation du principal certificat «e-ID» par l’Office fédéral de la police (Fedpol), qui va attirer les hackers comme les ours avec un pot de miel. D’autre part, la dépendance aux serveurs de la Confédération pour valider les certificats. Ainsi, bien qu’elle semble prometteuse, quelle conséquence ce service d’identité électronique aura-t-il dans notre vie?
Un outil sécurisé qui peut devenir malsain
Ce n’est pas la première fois qu’on numérise une démarche autrefois matérielle. On peut donc se pencher sur les conséquences de précédents exemples similaires. Or, force est de constater que plus une démarche bureaucratique devient facile, plus son recours peut devenir excessif.
Les «e-formulaires», certes, simplifient nos existences, mais permettent surtout d’en créer beaucoup et des plus complexes. Cela ne touche pas seulement le secteur public. Combien de fois par semaine devons-nous remplir un formulaire pour réserver une place de spectacle, commander de la nourriture au restaurant ou même utiliser les lave-linges de l’immeuble? On peut aussi parler de la simplicité des paiements en ligne ou par carte, qui rendent les transactions indolores. Le citoyen accepterait-il le niveau des taxes prélevées par ces solutions de paiement s’il devait se rendre au guichet avec sa liasse de billets en main?
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Avec un swiyu, le wallet de la Confédération suisse pour l’e-ID ainsi que d’autres preuves électroniques, le public comme le privé pourront créer autant de certificats pour autant d’usages à imaginer. La Confédération mentionne le certificat de majorité avec, on l’imagine, les sites pornographiques en ligne de mire. Devrons-nous également nous connecter avec cette certification pour accéder aux réseaux sociaux? Et avoir un autre certificat de «pensée conforme» pour pouvoir y publier des textes? Faudra-t-il bénéficier de la certification «pollueur modéré» pour faire le plein? Avoir la mention «sportif régulier» de son assurance pour commander un dessert?
Si cet e-ID apporte de solides garanties techniques pour la vie privée et la sécurité, il ouvre la porte à une société où chaque acte de la vie devra être certifié, à l’image de la prolifération des e-formulaires. En parallèle de la mise en place du système, une stricte limitation de son usage doit être mise en place. Pourquoi pas via une deuxième votation sur un projet visant à inscrire ces limites dans la Constitution. Avant de sortir la bête de sa cage, mieux vaut lui attacher une laisse.
Développeur passionné par les technologies, François Jolain est l’animateur de la plateforme Codable.tv.