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Histoire

Chronique

Marianne Grosjean: L’exemple des Sabines3 minutes de lecture

par Marianne Grosjean
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La journaliste Marianne Grosjean adresse un message dans chacune de ses chroniques. Ce mois-ci, elle rappelle que, de l’Antiquité à nos jours, les femmes portent une responsabilité essentielle.

A 13 ans, j’étais pendue aux lèvres de Madame Bornicchia, enseignante de latin au cycle. Assise sur son bureau, face à nous, elle racontait depuis deux heures l’histoire de Rome selon Tite-Live. «Et là, à la fontaine où elle allait puiser de l’eau, Rhéa Silvia aperçoit un super beau mec en armure, qui la drague. C’était Mars», narre l’enseignante, amusée par l’attention extrême de tous les élèves. De l’union interdite entre le dieu et la vestale naquirent Romulus et Rémus. Devenu adulte, Romulus doit trouver des femmes aux citoyens de la nouvelle ville de Rome, afin de renouveler les générations. Après des échecs d’alliance avec les peuples voisins, il les invite – parmi eux les fameux Sabins – à des jeux de cirque. Là, des cavaliers déboulent sur les gradins pour enlever les jeunes Sabines et en faire leurs femmes.

«Il n’y eut aucun viol, Tite-Live est formel là-dessus. Au contraire, les Romains étaient tellement patients avec leurs nouvelles épouses que celles-ci finirent par céder et accepter leur condition d’épouse romaine avec plaisir», assurait Mme Bornicchia.

Or, plusieurs années après, les Sabins revinrent attaquer Rome pour récupérer leurs filles ou leurs sœurs. Les Sabines, à présent romaines, entendant la bataille, sortirent dans les rues avec leurs enfants pour empêcher le combat. Elles rappelèrent qu’elles feraient les frais de la guerre en devenant soit orphelines soit veuves et qu’elles ne survivraient pas à cette douleur. «Des soldats aux chefs, tout le monde se tait, est pris d’émotion. Ils décident non solum de faire la paix, sed etiam de rejoindre Rome pour ne constituer qu’une seule cité.»

Quelles femmes, ces Sabines… m’étais-je dit, bouche bée sur mon appareil dentaire. On les désire au point de les enlever pour les épouser. On les aime tellement qu’on attend qu’elles aiment en retour. Et lorsqu’elles s’imposent au milieu de la bataille, on les respecte, on les écoute et on arrête de se battre. Parce qu’on reconnaît aux femmes la qualité de défendre non pas uniquement leur intérêt, mais celui de tous. Le bonheur et l’avenir de la société sont dans leurs mains, pour autant qu’elles prennent leur place et qu’on la leur reconnaisse. Quel rôle essentiel représentent les femmes pour la société!

Je repense aujourd’hui aux guerres qui ont cours et me demande où sont les Sabines. Pourquoi n’entend-on pas la voix des mères, ou pourquoi ne les écoute-t-on pas? Pourquoi certaines femmes ont-elles perdu leur rôle de pacificatrice et en arrivent à souhaiter que les enfants qu’elles ont porté dans leur ventre aillent se faire exploser chez leurs ennemis pour soi-disant mourir en martyr? Pourquoi les hommes puissants qui causent les instabilités mondiales ne choississent-ils pas à leur côté une femme à leur hauteur, qui saura les freiner s’ils déconnent, une femme qu’ils n’achètent pas avec leur argent, une femme estimée de qui ils ont envie d’être dignes?

Je rêve d’un texte international qui mettrait d’accord les femmes du monde entier. Un texte que nous pourrions rappeler lorsque nos hommes s’égarent dans la lutte, l’exploitation, la domination, le commerce d’humains. Quelque chose comme: «Nous, femmes du monde entier, voulons la paix pour nous et nos enfants. Nous reconnaissons que les femmes d’autres pays veulent aussi la paix pour elles et leurs enfants. Nous n’acceptons pas d’être vendues, achetées, louées, possédées, rabaissées au rang d’objets, violentées, violées. Nous n’acceptons pas cela pour nos enfants non plus, ni pour ceux de nos ennemis.»

Le féminisme des Sabines n’est pas une lutte. Il est un rappel du rôle essentiel des femmes pour que le monde tourne rond.

La journaliste Marianne Grosjean adresse un message à nos lecteurs dans sa chronique.

Vous venez de lire une chronique publiée dans notre édition papier (Le Regard Libre N°119).

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