Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci
D’une femme dans un bus, on passe directement à la grille d’un centre d’accueil de jour pour femmes à la rue. Elles attendent, comme chaque matin, de pouvoir entrer à l’Envol. Une fois dedans, l’organisation est à la pointe. Distribution du shampoing, assignation de prises pour recharger les téléphones et d’un coin de la maison pour pouvoir roupiller un moment en paix. Seulement, le centre n’est plus rentable. On reproche aux responsables de trop chouchouter les femmes qu’elles accueillent. Il faut fermer. Mais l’imagination des éducatrices n’est pas à bout: elles vont tout faire pour prouver aux autorités que les femmes qui fréquentent l’Envol sont capables de se réintégrer dans la société.
L’idée est bonne. Dans un style à la frontière entre le documentaire et la fiction, le spectateur prend conscience d’une réalité souvent invisible: il y a aussi des femmes à la rue. On les appelle les invisibles, justement parce que peu de gens les remarquent. Il fallait encore réussir à ne pas tomber dans le misérabilisme. C’est mission accomplie pour la réalisation de Louis-Julien Petit qui a coloré son film social de comédie. On ne prend pas l’histoire de ces femmes avec des pincettes: entre l’ancienne escort girl, ou celle qui a fait de la prison parce qu’elle a tué son mari, toutes y passent.
Sans se moquer, le scénario tourne en dérision les recherches d’emploi de chacune. Forcément, elles sont maladroites, malgré l’aide fourni par les éducatrices. En plus, elles portent toutes des pseudonymes de célébrités, de Dalida à Brigitte Macron, ce qui fait sourire dès le début. La légèreté du film ne fait pourtant pas l’impasse sur la gravité de la situation. En ce sens, le bon équilibre entre comédie et film social a été trouvé.
Au risque de passer pour niais, Les Invisibles parvient encore à fournir un message d’espoir. Chaque femme a des compétences qui n’attendent plus que d’être mises en œuvre. C’est pourquoi le centre organise une journée portes ouvertes où chacune est responsable d’un atelier mis en place par ses soins, de la libraire à la séance de psychanalyse – et oui, il y a même une psychanalyste qui bénéficie du centre, comme quoi personne n’est à l’abri.
L’appellation de feel good movie sied parfaitement au long-métrage, qui assume par là même de ne pas être un chef-d’œuvre et de ne pas faire du grand cinéma. Mais peu importe, ce n’est pas son but. Les Invisibles est expérience humaine au cœur de la misère, qui ne se regarde cependant pas souffrir et qui fait tout pour se relever. Grâce à l’entraide. Grâce à la complicité touchante de ces femmes qui partagent toutes le même sourire de réconfort. Rien que pour cela, il vaut la peine d’être vu.
Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com
Crédit photo: © Frenetic Films
LES INVISIBLES |
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FRANCE, 2018 |
Réalisation: Louis-Julien Petit |
Scénario: Louis-Julien Petit, Marion Doussot, Claire Lajeunie |
Interprétation: Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky, Déborah Lukumuena |
Production: Elemiah, France 3 Cinéma, Canal +, Ciné + |
Distribution: Frenetic Films |
Durée: 1h42 |
Sortie: 9 janvier 2019 |