L’impact grandissant de l’intelligence artificielle (IA) sur le monde travail pose des questions urgentes. Il y va de la dignité humaine et du sens même de l’existence.
L’IA remplace l’homme dans plusieurs secteurs d’activité – assistants administratifs, secrétaires légaux, graphistes, copywriters… On la sollicite notamment pour les tâches répétitives qui se prêtent à l’automatisation. Non seulement la machine est capable d’assumer ces tâches, mais elle les remplit plus efficacement que nous.
En fait, il est peu de secteurs qui ne l’aient au moins adoptée à titre d’auxiliaire. Partout, elle est synonyme de gain de temps et de productivité. Mais la frontière est mince de l’appui au remplacement…
Les optimistes préviennent toute inquiétude en affirmant que cette technologie créera moins d’emplois qu’elle en détruira. Selon le «Future of Jobs Report 2025» du World Economic Forum (WEF), les tendances en matière d’IA et de technologies de traitement de l’information devraient créer 11 millions d’emplois d’ici 2030, tout en remplaçant simultanément 9 millions d’autres places de travail.
Seulement, la plupart des emplois ainsi créés seront directement liés à l’IA elle-même. Pour faire simple, l’avancée de ce type de système demande en parallèle le développement de métiers dévoués à sa gestion. Comme le signale le rapport du WEF, les progrès technologiques nourrissent un besoin toujours plus grand de compétences en IA, big data, cybersécurité, etc.
En conséquence, les métiers liés à la culture technologique présentent le taux de croissance le plus élevé à l’échelle mondiale et les employeurs attendront de leurs employés une maîtrise toujours plus grande de ces outils.
L’IA crée des opportunités, certes. Toutefois, sommes-nous libres de ne pas les saisir? Il semble bien que nous n’aurons guère d’autre choix que d’embrasser les perspectives qu’elle nous offre.
La question n’est pas seulement de savoir quel sera l’équilibre entre emplois supprimés et emplois créés par l’IA, mais jusqu’à quel point celle-ci va dicter les contours d’un mode de vie dont on a le droit de ne pas se réjouir.
La diversité des tâches risque de devenir l’apanage des machines, cantonnant l’homme au rôle d’assistant technique, chargé de vérifier que les IA fonctionnent conformément à leur programme. Il aura l’honneur d’être un valet méticuleux. Il contemplera soigneusement une activité à laquelle il n’aura plus part. Il se définira par l’inaction et l’appauvrissement régulier de ce qu’on attend de lui.
Certains ne semblent pas réaliser l’absurdité de l’existence qu’ils appellent de leurs vœux. A force de «faciliter» les tâches, l’homme n’en aura plus. Le désir d’aise cache un goût pour le néant. En effet, quand l’IA sera finalement en mesure de tout faire, ce qui semble bien être le grand rêve, que nous restera-t-il?
Ne rien faire, est-ce un projet? Ne rien faire, mais pour faire quoi? Certains semblent n’attendre que ça, que l’IA vive à leur place; qu’elle pense, mange, marche et fornique pour eux! Qu’ils puissent, enfin, ne rien faire. Ils veulent être les cocus de leur volonté. Regarder le plafond, ou une série – avec ces nouveaux projecteurs, on peut justement regarder la série directement sur le plafond. Une vie comblée par l’onanisme et Uber Eats. La pizza, sans doute, sera livrée par drone.
Bref, la question – si facile à moquer – du sens de la vie va devoir sérieusement nous occuper.
Ralph Müller est youtubeur et formateur. Chaque mois, il livre son analyse cinglante d’un phénomène typique de l’époque.