Ce portrait bouleversant d’une fillette enlevée par son père est un incontournable de la rentrée littéraire romande. Il semble déjà promis à un beau succès auprès des prix francophones.
C’est l’histoire d’une petite fille… Ilaria n’a que huit ans quand, un soir de mai 1980, elle monte dans la voiture de son père à Genève. Elle ne le sait pas encore, mais c’est le début d’une cavale qui va durer deux ans. Trieste, Bologne, Rome, Naples puis la Sicile, ce road trip va l’emmener jusqu’aux confins de l’Italie.
Ilaria ou la conquête de la désobéissance est le troisième roman de Gabriella Zalapì. Dans ce livre qui vient de paraître, mais qui est déjà sélectionné pour de nombreux prix littéraires (Médicis, Femina, Femina des lycéens notamment), elle puise une fois encore dans son histoire familiale. Mais c’est de sa destinée personnelle qu’elle s’inspire cette fois.
Si les faits sont réels, l’artiste – elle est aussi plasticienne, formée à la Haute école d’art et de design à Genève – l’affirme toutefois haut et fort: Ilaria, ce n’est pas elle. L’écrivaine, qui mélange des origines anglaises, italiennes et suisses, n’a jamais visé l’autobiographie. Au contraire, au fil de l’écriture, la fillette au caractère bien trempé est devenue un personnage à part entière.
Donner une voix à Ilaria
C’est donc un récit à hauteur d’enfant que propose Gabriella Zalapì dans ce roman, écrit à la première personne. C’est au travers des yeux d’Ilaria que l’on découvre son père, un homme chamboulé par un divorce dont il ne veut pas et qui sombre au fil des kilomètres qu’il enfile à toute vitesse et des bouteilles de whisky qu’il avale. C’est son cœur de petite fille que l’on voit saigner, face au conflit de loyauté que lui imposent les adultes.
La réussite de Gabriella Zalapì est de rendre palpable les sentiments et le monde intérieur de cette enfant, qui regarde autour d’elle avec tant de maturité et de gravité. Le style est direct et précis, mais ne sombre jamais dans l’extrême naïveté ou la mièvrerie. Abandon, culpabilité, solitude, colère: l’auteure transmet au contraire ces expériences par petites touches, avec subtilité et douceur. Et elle montre avec brio comment Ilaria, coupée de tout ce qu’elle connaît et de tous ceux qu’elle aime, tente de se reconstruire à travers de petits actes de rébellion.
S’il y a beaucoup de gravité dans ce roman, il y a aussi une certaine nostalgie, comme ces photos un peu floues des vacances au bord de la mer, dans les années 1980. C’est le portrait d’une certaine Italie que dresse Gabriella Zalapì dans ce récit infusé par l’odeur des pins et des cigarettes et le goût du Chinotto. C’est là tout le talent de l’auteure: nous transporter véritablement sur une autoroute transalpine dans une BMW 320 coupé, tandis que l’autoradio joue, avec une certaine ironie, La Libertà de Giorgio Gaber.
Ecrire à l’auteure: sandrine.rovere@leregardlibre.com
Vous venez de lire une critique en libre accès, publiée dans notre édition papier (Le Regard Libre N°111). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!
Gabriella Zalapì
Ilaria ou la conquête de la désobéissance
Editions Zoé
Août 2024
176 pages