Paléo Festival 2019 – Lauriane Pipoz
Nova Materia est un duo franco-chilien de musique électronique influencée par le post-punk. Mêlant machines et percussions brutes, ils ont fait danser la scène du Détour au Paléo Festival samedi 27 juillet.
En voyant débarquer avec tout un attirail d’objets métalliques ce couple à frange vêtu de noir de la tête aux pieds, je suis obligée d’avouer mon scepticisme. Caroline Chaspoul et Eduardo Henriquez, également à l’origine du groupe post-punk Panico, ont lancé leur musique électronique de façon plutôt calme, voire plate. J’ai rencontré de grandes difficultés à entrer dans leur bain. En balayant la scène du regard, j’ai pu remarquer tous les étranges tuyaux, cailloux et plaques de métal suspendus derrière les deux artistes.
En particulier, une sorte de demi-meule posée sur un réchaud à la hauteur du visage de la chanteuse attire mon attention de Valaisanne. Privée de raclette à portée de main et dépitée de n’avoir pas encore vu de bon concert ce jour-là – sur quoi diable pourrai-je bien écrire mon article? –, je pars après deux chansons me chercher une bière au stand voisin. Tout en gardant un œil sur le duo, au cas où.
Et là en me retournant, armée de ma fidèle partenaire de soif et de festival, je constate avec stupéfaction la foule affluer sous le petit chapiteau. Je me précipite donc à l’intérieur pour assister à une montée fulgurante: l’électro immersive et hypnotique du groupe vient d’exploser, et l’ambiance ne redescendra plus. Les deux compères mixent au milieu d’une ambiance enfumée noire et bleue, sous des flashs étourdissants qui nous mettent dans l’atmosphère bien particulière du tandem occulte, passionné de jeu de matières insolites.
Si l’on trouve beaucoup de commentaires sur les accessoires métallisés utilisés par Nova Materia, je dirais qu’ils sont surtout d’excellents DJs. Ces sons aigus et galvanisés apportent certes une plus-value, mais pas vraiment centrale: cela s’apparente plutôt à un trait d’originalité, qui sonne bien mais ne forme pas l’identité de leur musique. Par moments, j’ai même trouvé ces sons dissonants avec les tons électroniquement électrisants de leurs machines. Mais principalement, cela sonnait bien et au bon moment: une petite pointe précise d’une sorte de timbale/gong caverneux placé à l’arrière de la scène ou quelques percussions bien placées au bon moment du morceau venaient couper les tons répétitifs caractéristiques de l’électro.
Alors ne nous y trompons pas, c’est bien ce dernier genre qui forme pour moi leur ADN: et ça fonctionne! Le public était dans une sorte de transe déchaînée. Au premier tiers du concert, la tente était remplie et ne s’est pas vidée avant la fin. Leur musique électronique alliait également par moments des sons rock et des motifs connus en début de morceau, avant que les basses viennent ajouter du sel à ce cocktail hypnotisant comportant mélodies basiques mais toujours efficaces, rythmes de percussions répétitifs, sons rappelant de la science-fiction et très peu de paroles. A ce dernier propos, je ne peux pas vraiment affirmer qu’il s’agissait de mots: cela s’apparentait parfois presque des aboiements. Etrange, mais surtout étrangement hypnotisant.
Finalement, je crois qu’il est difficile de définir leur musique. Ce que je peux affirmer, c’est que les deux musiciens savaient totalement ce qu’ils faisait. Le final était d’ailleurs extrêmement plaisant: les deux artistes ont laissé leur son répétitif fonctionner en mode automatique pendant qu’ils s’avançaient sur le devant de la scène. Lorsqu’ils sont retournés derrière leurs platines/instruments métalliques, ils avaient l’air d’improviser totalement des percussions au bon moment et surtout en total accord l’un avec l’autre; impro ou pas, l’impression de naturel était agréable et impressionnante. Je vous conseille donc d’aller les voir pour juger par vous-mêmes. Pour ma part, je ne suis plus allée chercher de bière avant la fin du concert.
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
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