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Au Conseil européen, les illusionnistes sont rois4 minutes de lecture

par Diego Taboada
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Les lundis de l’actualité – Diego Taboada

Cette semaine, les chefs d’Etat et gouvernement des pays membres de l’Union européenne ont siégé au Conseil européen. Comme à chaque «réunion des hauts placés», les attentes étaient élevées. Au menu du jour: crise migratoire et réforme de la zone euro. Ce sommet, censé être déterminant pour régler l’énième crise de l’UE, a déçu, comme toujours. Les européistes se lamentent et les sceptiques s’en donnent à cœur joie: pas de réelle avancée mais des sourires et des déclarations vides de sens. De la poudre aux yeux, en somme – ou plutôt, de perlimpinpin.

L’arrivée au pouvoir du parti euro-xénophobe de la Ligue en Italie et son refus de voir débarquer plus de migrants sur ses côtes a donné le ton du sommet du mois de juin. Et tout critiquable qu’a pu être cette décision du point de vue humanitaire, elle aura eu le mérite de faire bouger les lignes au niveau européen. Après de longues heures de tractations, son lot de menaces et de propositions farfelues, les vingt-huit se sont accordés sur la création de centres de contrôle des migrants dans le territoire de l’UE sur base volontaire.

Oui, vous avez bien lu. Sur base volontaire. Insérée probablement pour satisfaire les revendications italiennes, cette disposition indique bien que sur le fond, rien ne change. Par ailleurs, les pays les plus favorables à une solution européenne se sont bien évidemment empressés de réfuter la création desdits centres sur leur territoire. L’humanisme, c’est bien; mais si les autres s’en chargent, c’est mieux.

Crise migratoire ou politique?

Cette conclusion du Conseil Européen défendue comme une avancée majeure par les partisans d’une intégration européenne renforcée – le président Macron en tête – est également présentée comme une victoire par le nouvel exécutif italien ou les pays d’Europe centrale. Mais peu après, les critiques fusent, les ONG dénoncent des oublis inacceptables et des conséquences négatives pour les migrants. Même les médias italiens paraissent moins satisfaits après lecture du document.

Paradoxalement, cette «crise migratoire» n’en est pas vraiment une. Selon les chiffres officiels de Frontex (ndlr: l’agence européenne de soutien aux gardes-frontières), les côtes européennes ont vu débarquer près de 45’000 personnes en 2018. Le chiffre le plus bas depuis trois ans à la même période de l’année, et bien loin du million de migrants de 2015. Plus qu’un problème migratoire, c’est bien une crise politique à laquelle l’UE doit faire face. Affaiblie par le Brexit et les constantes provocations des pays d’Europe centrale eurosceptiques, ne respectant plus les valeurs fondamentales de l’Union, l’UE est à la croisée des chemins.

L’axe Paris-Berlin à l’agonie

Vous l’aurez compris, rien n’est prêt de changer pour la situation des migrants destinés dorénavant à être «stockés» et «triés» dans des camps, ni pour les pays méditerranéens qui subissent de plein fouet la «solidarité» de l’Union européenne. Les exilés étant abandonnés à leur sort depuis des années, on peine à croire que ces nouvelles mesures communautaires améliorent leur situation de manière substantielle.

Plus problématique à long terme, le blocage politique qu’a révélé une nouvelle fois le consensus vide mais nécessaire dans un Conseil européen qui fonctionne à l’unanimité: de moins en moins bien maquillées, les divergences se creusent entre des pays dont les attentes, intérêts et objectifs semblent plus éloignés que jamais. En outre, la coopération franco-allemande, moteur historique de l’Europe, est à bout de souffle. Rejoint par l’Espagne, dont le nouveau président prétend incarner le bien commun en accueillant les bateaux refoulés par l’Italie, l’axe pro-européen Paris-Berlin semble plus affaibli que jamais.

Emmanuel Macron apparaît bien seul dans son projet d’implémenter sa fameuse réforme de la zone euro. Quid de la chancelière allemande, à la manœuvre lors des précédentes crises de l’UE, de la dette au Brexit? Une fois n’est pas coutume, Angela Merkel se fait discrète, plus préoccupée de présenter une solution «migratoire» acceptable à son ministre de l’Intérieur pour sauver sa coalition que de se lancer dans des réformes impopulaires dans son pays.

Les planètes semblent bel et bien s’aligner pour les opposants à l’intégration européenne. A une année des élections européennes, les européistes ont de quoi s’inquiéter. Les illusions et déclarations d’intentions des dirigeants ne seront bientôt plus suffisantes pour sauver l’Union européenne. La clef pourrait résider dans une diversité des modes de coopération entre pays qui ne passerait plus toujours par la voie communautaire mais par des accords intergouvernementaux.

Un pas en arrière, diront certains, mais peut-être la seule manière d’éviter la désintégration d’une Union européenne toujours plus critiquée. Car même si Winston Churchill dirait que le succès consiste à aller d’échec en échec sans jamais perdre son enthousiasme, il faudra bien plus que de l’enthousiasme à ces dirigeants pour sauver ce qui représente encore aujourd’hui la forme la plus aboutie d’organisme supranational.

Ecrire à l’auteur: diego.taboada@leregardlibre.com

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