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Macron: et si la France avait rendez-vous avec l’Histoire?6 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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Le Regard Libre N° 22 – Nicolas Jutzet

En 2012, François Hollande nous promettait d’être un président «normal». Cette simple affirmation aurait dû nous avertir: cet homme n’est pas à sa place, il ne s’est pas préparé à gouverner, il semble perdu. Prétendre que le rôle de président de la Ve République puisse être assumé par un homme normal est simplement effrayant.

La Ve République, introduite sous l’impulsion du Général de Gaulle en 1958, avait pour but principal d’asseoir l’autorité du chef d’Etat. Notons que son contradicteur de l’époque, François Mitterrand, dénonça cette réforme en la qualifiant de manœuvre de dictateur. En plus de la réplique incisive du Général: «Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans, je commence une carrière de dictateur?», l’histoire retiendra que même celui qui est encore aujourd’hui le mentor intellectuel du locataire de l’Elysée, avait clairement identifié que le pouvoir donné à la personne à la tête du pays était trop grand pour un individu normal.

Le scénario était donc écrit d’avance. Le règne de Hollande est un échec cinglant qui, en plus de donner raison à ceux qui votent habituellement pour le côté droit de l’échiquier politique, fait fuir ceux qui jusque là se retrouvaient dans les valeurs défendues par le Parti socialiste. Le bilan économique, sécuritaire et identitaire est affolant, presque autant que les abondantes confidences médiatiques du président. Au moment de quitter l’Elysée, François Hollande et sa normalité laisseront une France divisée dans sa base et son élite. Comme en 2002, le second tour de la présidentielle devrait voir un candidat venu de l’extrême – après le père, place à la fille – affronter un candidat «républicain» au sens large du terme. Toutefois, cette Bérézina a du bon. Non seulement elle nous débarrasse définitivement des derniers mitterrandistes qui refusent d’admettre que le monde a changé et que la France ne peut plus se permettre d’être en déficit chronique, mais elle libère une place pour un candidat nouveau qui saura raconter une nouvelle histoire à la France, une histoire pleine d’espoir et de vérité. Un Michel Rocard du XXIe siècle.

Ce renouveau viendra non pas du Parti socialiste (Valls, Royal) et encore moins de ses frondeurs (Hamon, Montebourg) ou du dangereux Jean-Luc Mélenchon. Non, elle viendra de l’une des réussites du Président sortant: Emmanuel Macron, son désormais ex-ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. A la tête de son mouvement «En Marche» (qui reprend ses initiales), il est parti, avec ses «marcheurs», questionnaires à la main, à la rencontre des Français. Le succès est au rendez-vous. A ce jour, le mouvement revendique 88’000 adhérents, un nombre conséquent en comparaison avec les 110’000 adhérents que compte le Parti socialiste. Comment expliquer cette fulgurante ascension, ce soudain sursaut d’une France politiquement paralysée? Pour le comprendre, il convient de revenir sur le parcours de son porte-drapeau.

Né à Amiens de parents médecins, Emmanuel Macron effectue un brillant parcours scolaire qui l’amène à fréquenter les bancs de l’ENA. Cette trajectoire finalement très habituelle pour un politique cache la complexité de l’homme. Il n’explique pas que, contrairement à beaucoup d’autres, le jeune Macron a un passé dans le privé, qu’il a fait les beaux jours de la banque Rothschild et Cie avant d’atterrir à l’Elysée. Cet homme n’était pas fait pour la politique, son itinéraire dans le privé l’aurait mené loin, mais une mission l’habite, servir la France.

Très vite agacé par la lenteur du système, par ses blocages dogmatiques, par sa lourdeur, par la difficulté pour un simple ministre de faire évoluer les choses, il pense à reprendre sa liberté. C’est l’une des raisons qui le poussent à quitter le bateau le 30 août 2016. «Lorsqu’un Président nomme quelqu’un ministre, il le fait pour son pays, pas pour en faire son obligé».

Le voilà libre. Libre de proposer sa propre politique. C’est ce qu’il fait avec ses collaborateurs d’En Marche, en sillonnant la France pour délivrer le message que leur ont laissé les Français, celui d’un changement, de la mise à jour d’une France qui doit se donner les moyens d’affronter le XXIe siècle. Une France qui met fin à ses blocages, qui cesse de voir l’économie d’un mauvais œil, une France où les prérogatives inutiles de l’Etat sont redonnées aux citoyens et donc à un marché libre. Encore quelque peu hésitant, ne souhaitant point brusquer les choses, il refuse d’en dire plus, d’annoncer sa candidature à la présidence de la République. Pour l’instant, il forme ses équipes, crée un réseau dans toute la France, lève des fonds. Viendra le jour de vérité où le pétillant amiénois devra s’annoncer et affronter l’Histoire, ou alors se retirer, retourner à l’anonymat et continuer son parcours dans le monde de l’entreprise.

La France est sclérosée par les luttes politiciennes qui empêchent de vraies réformes. Celles-ci auraient dû avoir lieu après les Trente Glorieuses (1945-1975). Cette période, contrairement à l’état actuel de l’économie, permettait la redistribution d’une large partie du revenu par l’Etat, sans freiner la croissance. Depuis 1975, pas une seule année ne s’est soldée par un budget positif. Ces déficits publics successifs ne sont plus tenables. Léger problème, aucun candidat à la présidence (hormis peut-être Fillon) ne semble avoir pris la mesure du problème. Personne ne propose de changement de logiciel, car c’est ce dont la France a besoin, pas de «mesurettes» qui au mieux permettront au malade de survivre quelques années supplémentaires. La personne qui sauvera la France du naufrage sera nécessairement un individu différent de l’offre actuelle. Elle devra être capable de comprendre la quatrième révolution industrielle et ses conséquences sur le marché du travail, sur la vie de chacun, sur l’Etat, sur tout. Elle devra également vivre avec le fait que la mondialisation, la désintermédiation et les différents moyens technologiques font inexorablement perdre du poids à l’Etat.

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Macron sera l’homme de cette renaissance, celui qui donnera enfin tort à Mitterrand affirmant: «Je suis le dernier des grands présidents. Enfin, je veux dire, le dernier dans la lignée de De Gaulle. Après moi, il n’y en aura plus d’autres en France… A cause de l’Europe… A cause de la mondialisation… A cause de l’évolution nécessaire des institutions. Après moi, il n’y aura plus que des financiers et des comptables.» Macron fera un grand président, un intellectuel possédant une colonne vertébrale philosophique, un visionnaire au fait de la nouvelle économie. Paradoxalement, c’est le financier comptable qui viendra raviver la flamme. Celle d’un monde nouveau.

Ecrire à l’auteur: nicolas.jutet@leregardlibre.com

Crédit photo: © cannesradio.com

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