Le 7 octobre 2023 marque une rupture historique. C’est l’un des thèmes abordés dans Le Bouleversement du monde, où le politologue Gilles Kepel décrypte notamment les clivages géopolitiques issus de cet événement, ainsi que leurs résonances et leurs conséquences.
L’érudition de Gilles Kepel n’est plus à prouver. Ses compétences pédagogiques et la liberté de son propos non plus, comme ont pu le constater la centaine de personnes venues écouter le professeur émérite des Universités le 21 mai dernier à Lausanne, à l’occasion d’une conférence-débat organisée par le Cercle démocratique et Le Regard Libre.
Le constat vaut aussi pour son dernier essai, Le Bouleversement du monde, dont il fut passablement question durant cette soirée consacrée au premier quart du XXIe siècle. Cet ouvrage, réédité en poche avec des chapitres inédits en avril pour intégrer la réélection de Donald Trump à la réflexion sur la nouvelle donne géopolitique, analyse notamment la césure qu’a marqué le 7 octobre 2023.
En effet, le massacre ce jour-là de 1210 Israéliens par des terroristes du Hamas, et la riposte terrible à laquelle donna lieu cet événement vécu comme une seconde Shoah, provoquèrent une consolidation des appropriations identitaires de ces tragédies. «Très vite, écrit Kepel, chacun des camps fourbit une batterie d’argumentaires moraux au service desquels étaient exacerbées les atrocités commises par l’adversaire et tues celles que perpétrait le partisan. (…) Elles érigèrent, ce faisant, des lignes de clivage reprenant pour partie certaines oppositions anciennes, mais les réorganisèrent pour creuser dans la foulée de nouvelles tranchées morales et intellectuelles.»
Rotation d’un quart de tour des points cardinaux allégoriques
«Ce processus, poursuit l’auteur, mit en œuvre le ‘‘bouleversement du monde’’ dont l’étude est l’objet de ce livre: en termes géopolitiques, cela se traduisit par la rotation, d’un quart de tour vers la droite, des points cardinaux à qui on avait conféré depuis 1945 une signification allégorique. L’Ouest devint ainsi le Nord, face auquel se substitua le Sud – ce dernier flanqué de l’épithète ‘‘global’’ pour marquer sa prétention à détrôner le ci-devant Occident – désormais déplacé dans l’obscurité du Septentrion – comme pourvoyeur des normes éthiques universelles.»
Le Bouleversement du monde s’attarde sur les causes de cette rupture et sur ses conséquences, qui se font sentir plus que jamais dans nos sociétés européennes. Un bon moyen de rattraper ou de prolonger la séance du 21 mai est de prendre le temps de lire ce texte important, pour mieux comprendre les enjeux de ce dossier brûlant.
Philosophe de formation et journaliste de profession, Jonas Follonier est le rédacteur en chef du Regard Libre. Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com.
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Gilles Kepel
Le bouleversement du monde. Du 7 octobre au retour de Donald Trump (édition actualisée)
Pocket
Avril 2025
338 pages