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Suisse

Analyse

Stablecoins suisses: miser sur le privé plutôt que l’Etat6 minutes de lecture

par François Jolain
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stablecoins suisses

Alors que les gouvernements rêvent de monnaies numériques, la Suisse peut briller autrement. Des stablecoins francs émis par des acteurs privés offrent plus de liberté et de décentralisation qu’un e-franc piloté par la Banque nationale.

La finance mondiale se tourne vers les crypto-monnaies. Les ETF Bitcoin (actions indexées sur le prix du bitcoin) de BlackRock cartonnent en bourse. Plusieurs entreprises comme PayPal, JP Morgan ou Société Générale ont déployé leurs stablecoins dollars. La Chine a son e-yuan, l’EU veut l’e-euro.

Et la Suisse? Place financière reconnue, la Suisse a-t-elle intérêt à suivre l’engouement et lancer son e-franc? Quelles sont les différences entre un e-dollar, un crypto-dollar, un stablecoin ou une MNBC (monnaie numérique de banque centrale)?

Les crypto-monnaies originales: bitcoin, ether, etc.

Autant reprendre depuis le début. Le bitcoin a été la première technologie de cryptomonnaie à apparaître – un registre décentralisé à travers internet, nommé «blockchain». Le bitcoin a également marqué le premier cas d’usage d’une blockchain: une monnaie entièrement numérique reposant sur ce nouveau registre décentralisé. Une cryptomonnaie est donc un actif accessible à n’importe qui car disponible depuis une blockchain publique et décentralisée.

Une multitude d’autres blockchains et cryptomonnaies ont été déployées après le bitcoin, comme Ethereum ou Solana. Ces cryptomonnaies sont plus ou moins anonymes, plus ou moins décentralisées et plus ou moins valorisées sur le long terme. Les principales, comme le bitcoin ou l’ether, apportent un réel gain de liberté et de vie privée par rapport aux monnaies étatiques.

Les stablecoins dollar

Par la suite, l’entreprise Tether a eu une idée lumineuse: déployer une cryptomonnaie adossée à des dollars. Derrière chaque tether émis, il y a un dollar au coffre. L’entreprise intervient sur les différentes plateformes d’échanges pour stabiliser le prix du tether. On en émet si la demande augmente, on en rachète pour les retirer de la circulation si la demande baisse. En essayant ainsi de toujours contrôler l’offre en fonction de la demande, on arrive à garder leur tether autour de 1$.

On appelle ces cryptomonnaies «stabilisées» par une entreprise des stablecoins. Tether a lancé le premier stablecoin dollar USDT, suivi par Circle avec le USDC. Aujourd’hui, PayPal dispose de son stablecoin PYUSD, JP Morgan son JPM Coin ou encore Société Générale son USDCV.

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Une cryptomonnaie comme le bitcoin propose une liberté et une décentralisation totale pour le citoyen. Ce constat est plus mitigé pour les stablecoins. Le fait d’être présent sur des blockchains publiques permet certes à n’importe qui d’en disposer sans vérification ou limite préalable. Ainsi, ils se répandent même dans des pays autoritaires, n’importe qui pouvant y accéder depuis un smartphone. Néanmoins, ces stablecoins ont une gestion centralisée. Ils peuvent être créés et gelés à la discrétion de l’entreprise émettrice. En bref, chacun peut en jouir comme bon lui semble tant que la justice américaine ne remonte pas à lui ou que l’entreprise émettrice ne fass pas faillite.

Bien qu’ils soient éloignés du rêve de liberté derrière Bitcoin, ces stablecoins sont, pour beaucoup de personnes dans le monde, plus libres et sûrs que leur monnaie étatique. Grâce au succès de cette multitude de stablecoins, les stablecoins sont la principale cryptomonnaie échangée au monde devant le bitcoin. Et le dollar est devenu le roi dans l’univers blockchain.

Le e-yuan ou e-euro

Des Etats peu rassurés de voir le secteur privé émettre des monnaies veulent leur couper l’herbe sous le pied en lançant leur propre «crypto-euro», «e-euro» ou MNBC. Ils se cachent souvent derrière des termes de cryptomonnaies ou de blockchain, alors que leur solution accroît la centralisation de la monnaie.

Actuellement, une banque centrale pilote la monnaie avec ses taux d’intérêt. Les banques gèrent les comptes de leurs clients ou leur accordent des crédits selon les taux en vigueur, ce qui influe sur la masse monétaire et l’inflation. Enfin, plusieurs acteurs comme SWIFT, Mastercard, Visa ou Twint permettent des échanges entre banques.

Ce système est déjà peu décentralisé et traçable. Avec le e-yuan ou le futur e-euro, la banque centrale contrôlera tout. Le e-yuan est directement piloté depuis les serveurs de la Banque de Chine, c’est donc elle qui contrôle tous les comptes et les transferts faits dans cette e-monnaie. Plus besoin de banque ou de solution de paiement, tout se passe dans ses seuls serveurs. Elle peut aussi programmer cette nouvelle monnaie, la déprécier pour stimuler l’économie, imposer des limites de paiement pour satisfaire une idéologie (un billet d’avion par an au maximum, 100 unités d’or par mois…).

Voilà pourquoi tant les banquiers que les défenseurs de la vie privée sont réticents face aux monnaies numériques des banques centrales. Ces pratiques centralisent le système financier dans les mains d’une institution avec un retour en arrière quasi-impossible.

Et le e-franc alors?

Pour un résident suisse disposant d’un compte en banque et de Twint, un stablecoin franc a peu d’avantages. Tout comme un résident américain n’a pas vraiment d’avantage à avoir des stablecoins USD. Ces solutions sont avant tout utiles pour des transferts internationaux. Pour la Suisse, elles permettent de rendre le franc bien plus accessible à travers le monde. Alors, que doit faire la Suisse pour pousser son stablecoin à l’international?

La réussite d’un stablecoin doit venir par le bas, et non par le haut. La demande doit venir des internautes, pas des bureaucrates. Des stablecoins francs émis par des entreprises privées sur des blockchain publiques offrent en effet plus de décentralisation et de liberté que les MNBC.

La Suisse dispose déjà d’un bon écosystème crypto. Des entreprises émettent des stablecoins francs comme Jarvis ou Frankencoin. Des blockchains ont installé leur fondation en Suisse, comme Ethereum, Tezos ou Mina. Des Sociétés innovent, à l’image de Bity avec ses ATM de cryptos, ou Mt Pelerin qui propose de lier le compte crypto à un IBAN pour payer et être payé comme avec un compte en banque classique.

Le gendarme suisse de la finance (Finma) ne doit pas étouffer l’écosystème avec trop de régulations comme le fait l’Union européenne (5AMLD en 2020, 6AMLD en 2021, MiCa en 2023, TFR en 2024). Mais tout de même vérifier que ces entreprises restent solvables envers leurs stablecoins émis pour ne pas entacher l’image du franc et de la Suisse. Il ne faut ni pousser ni interdire les crypto-monnaies. Le stablecoin a su s’imposer à l’international par sa facilité et sa liberté d’utilisation. Les stablecoins suisses doivent s’en inspirer pour s’imposer à leur tour.

Développeur passionné par les technologies, François Jolain est l’animateur de la plateforme Codable.tv.

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