Le Regard Libre N° 31 – Sébastien Oreiller
Chapitre II: Arrivée du fils (suite)
Ils étaient deux. Il y avait le fils et son ami. Ils entrèrent dans la grand’salle, brillants de poussière et d’éclat, en uniformes entre les portraits des ancêtres. L’un était grand et blond, avec les mêmes reflets marins que sa mère, et dans le regard la même arrogance froide; l’autre plus petit et plus maigre, longs cheveux noirs et teint d’olive, qu’il gardait loin du soleil. Pas d’arrogance dans le regard, mais de la malice dans le sourire.
Ils avaient dû les attendre longtemps. Les filles, lassées, s’en étaient allées, et avaient déserté les lieux, subsidiaires à l’ombre de leur frère, ce frère qu’elles n’aimaient pas, et leur vision mouvante se confondait avec l’image de quelque aïeule sur la paroi, comme elles squelettique et vaporeuse. Le soleil tapant de l’extérieur avait plongé la grand’salle dans la pénombre; on ne discernait plus les visages contre les murs. Seule la moiteur ruisselante qui perlait au bout des longs voiles blancs et des mains, humidité des vieilles demeures ou des chapelles, conservait aux corps leur réalité naturelle et pourtant volatile. Il allait prendre froid.