Le Regard Libre N° 26 – Léa Farine
« L’âme du philosophe veille dans sa tête. L’âme du poète vole dans son cœur. L’âme du chanteur vibre dans sa gorge. Mais l’âme de la danseuse vit dans son corps tout entier », écrit Khalil Gibran dans son poème « La Danseuse ».
Nombreux sont les courants de pensée, ou religieux, qui reconnaissent le corps comme un véhicule où, véritablement, l’âme peut se déployer pour entrer en contact avec Dieu. Le salut, alors, passe par l’incarnation : aucune libération n’est possible après la mort puisque cette libération a besoin du corps pour s’opérer, par l’ascèse, par la danse, par l’érotisme peut-être.
Créatures et créateur
Bien loin de cette conception, l’islam et le christianisme perçoivent le corps de manière différente, pour des raisons théologiques et historiques incontournables. Dans chacun de ces deux grands monothéismes, la rédemption intervient seulement après la mort. Si le contact avec Dieu peut toutefois s’établir, c’est à travers une distance immense car Dieu est souffle, verbe, mais jamais chair. Corps et âme ne peuvent se rejoindre car, par définition, Dieu est « tout ce qui n’est pas le corps » et la matière est « tout ce qui n’est pas Dieu », puisque la création ne peut se confondre avec le créateur. Dieu ou une parcelle de Dieu peut habiter un corps, ou le visiter durant l’existence physique d’un être, mais l’être ne peut pleinement retourner à Dieu tant que ce corps existe.