Le Regard Libre N° 11 – Jonas Follonier
Professeur de littérature, musicien, Stéphane Albelda est aussi metteur en scène: il dirige depuis 2006 la troupe du Lycée-Collège des Creusets à Sion (Valais) et assure la mise en scène de nombreux autres spectacles. En 2015, il a monté la tragédie «Phèdre» de Racine, un classique qui a eu du succès dans la capitale valaisanne.
Jonas Follonier: Pourquoi le choix de Racine? Etait-ce la première fois que vous vous attaquiez à une tragédie classique?
Stéphane Albelda: C’est la première fois que je me suis attaqué à une pièce en alexandrin. C’est une telle entreprise que j’y ai toujours renoncé. Mandaté par le Théâtre des Collines, je m’y suis rendu pour refuser leur proposition. Mais la rencontre humaine m’a fait changer d’avis et a précédé l’entreprise artistique: il s’agit d’une troupe extrêmement hétérogène, de milieux différents et d’expériences différentes. Le fait que ces gens se soient fédérés pour faire vivre un texte classique m’a touché et a laissé augurer une entreprise pure.
Quels sont les grands défis dans la mise en scène d’une tragédie de Racine?
Il y a deux défis majeurs. Le premier porte sur le sens: que raconte Phèdre? Que raconte un mythe au XXIe siècle? On sait que les mythes ont une parole fondamentale. L’enjeu de la mise en scène consiste à trouver le pont entre un texte et un public actuel. Le deuxième défi est formel: comment révéler la langue de l’alexandrin aujourd’hui? Car il faut la garder: je ne crois pas aux processus de modernisation par la destruction. Pour que l’alexandrin se révèle, il faut une certaine écoute. L’effet contemporain s’est surtout porté sur les césures: en les travaillant bien, le jeu des silences devient fondamental. Il s’agit donc d’un grand travail sur le rythme. Ce travail se rapproche de celui du chef d’orchestre, qui doit faire jouer de manière actuelle une composition classique ou baroque.