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Le réchauffement climatique, un défi économique5 minutes de lecture

par Nicolas Jutzet
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Le Regard Libre N° 27 – Nicolas Jutzet

Il existe un consensus parmi les spécialistes de la thématique : si nous ne changeons rien, nous allons sous peu faire face aux lourdes conséquences induites par une augmentation de la température moyenne non maîtrisée. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit une augmentation de la température moyenne de 2,5° à 7,8° C. avant la fin du siècle. Le consensus scientifique postule que la limite supérieure qui serait gérable et acceptable pour l’humanité se réduit à une augmentation de 1,5° à 2° C. maximum. Par ailleurs, il s’accorde sur l’origine humaine du réchauffement climatique.

Parvenir à atteindre cet objectif nécessitera des efforts considérables. La tâche s’annonce ardue car ni la croissance démographique, ni le souhait légitime des pays émergents d’atteindre un niveau économique semblable aux actuels pays développés n’aidera. Au contraire. Le problème est reconnu depuis la fin du XXe siècle, mais malgré les bonnes intentions des diverses parties impliquées, difficile d’identifier à ce jour un réel mouvement global à même de changer la donne. Quelles sont les raisons de ce surplace ?

1° L’égoïsme vis-à-vis des générations futures

Les coûts engendrés par toute stratégie qui vise une atténuation du changement climatique sont perceptibles sur le court terme, tandis que ses effets le seront sur le temps long, et pas forcément sur le territoire national. De fait, elle demande à la génération actuelle de financer une politique qui ne lui apportera pas directement quelque chose en retour et qui risque en plus de profiter à son voisin, qui, lui, continue de mener un train de vie dommageable pour l’écosystème.

2° Le problème du passager clandestin

Pour un économiste, le climat est classable dans la catégorie « bien commun », dont les critères sont : la non-exclusion (on ne peut exclure personne de son usage) et la non-rivalité (l’usage par un individu n’empêche pas un même usage ou un usage différent par un autre). Pour expliciter cela, personne ne peut empêcher son prochain de respirer l’air d’un pays. Toutefois, cette approche ne prend pas en compte la potentielle raréfaction des ressources en cas de surexploitation, qui ferait que sur le long terme, une « tragédie des biens communs » surviendrait. Prenons la pêche ou la chasse pour établir un exemple de cette tragédie des biens communs. Impossible « d’exclure » quelqu’un de la pratique de la pêche. (Il est tout au plus possible de réguler légèrement le flux en rendant l’accès au permis de chasse/pêche extrêmement exigeant. Notons que cette démarche, qui paraît pleine de bon sens dans un premier temps, est une fausse bonne idée. Un pêcheur qui perd du temps et de l’argent pour obtenir son permis va ensuite vouloir rentabiliser cet investissement et donc pêcher plus que ce qu’il aurait fait en cas d’accès facilité). Mais la pêche d’un poisson réduit le nombre de proies restantes pour autrui. On appelle ce dommage une externalité. Pour éviter une « tragédie du bien commun », dans notre modèle cela serait une disparition d’espèce ou une raréfaction du nombre de poissons (ce qui, pour l’anecdote, renforce encore l’attrait pour un pécheur, une marchandise rare possédant bien plus de valeur commerciale qu’un bien abondant… un vrai cercle vicieux), il s’agit d’internaliser cette externalité. Soit, de faire payer le dommage directement à celui qui le crée. Pour en revenir à la problématique du réchauffement climatique, sans solution globale qui traite chaque acteur de manière équitable et qui facture l’émission de CO2 sur le plan mondial, il n’existe pas de raison indiscutable pour un pays de montrer l’exemple tant les incitations pour endosser un rôle de « passager clandestin », soit de profiter des efforts d’autrui, sont grandes.

3° La concurrence avec d’autres pays

Introduire une taxation écologique sur l’unique plan national renchérit le coût du travail et place les entreprises d’un pays A face à un problème d’équité de concurrence. De fait, l’intention louable si souvent brandie de vouloir « sauver la planète » peut paradoxalement se transformer en catastrophe sociale et écologique. On parle alors de dumping écologique. Ce terme désigne une délocalisation dans un pays moins regardant sur la pollution. Une politique unilatérale n’a donc souvent pas de légitimité écologique. Malheureusement, cette approche est habituellement reconnue uniquement par la partie « climato-sceptique » de la population et sert d’excuse pour ne rien faire. D’autres facteurs, plus machiavéliques, font que les pays retardent sans cesse les avancées vers une gestion mondiale du réchauffement climatique. Plus un niveau d’intensité carbone d’un pays est élevé, plus il peut espérer rejoindre un accord futur dans une position de force (recevoir des compensations pour son effort, sous forme monétaire ou par des facilitations d’accès au « droit de polluer »). Heureusement, certains éléments légitiment, malgré toutes les faiblesses évoquées plus haut, de mener une politique climatique ambitieuse sur le plan national. Le remplacement d’une centrale à charbon par un moyen de production plus « vert » peut permettre d’atteindre une amélioration de l’efficacité énergétique, et donc réduire l’impact dont souffre directement la population locale. C’est pourquoi la Chine soutient massivement la production de panneaux photovoltaïques.

La solution sera globale ou ne sera pas

Comme évoqué plus haut, pour réussir à surmonter la problématique du réchauffement climatique, il faudra parvenir à « internaliser » les dommages créés par les différents acteurs économiques. Or l’approche actuelle, basée sur l’idée que la solution viendra par la contrainte et par l’action forte des Etats, est un échec. Selon Jean Tirole, cette approche est privilégiée car elle permet aux gouvernants de paraître impliqués dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il est pourtant prouvé que les politiques dites « dirigistes » amplifient inutilement le coût des politiques de l’environnement.

Pour mettre fin à l’immobilisme et passer réellement à l’action, une seule solution semble crédible à ce jour : introduire un mécanisme de prix, que ce soit en taxant le carbone ou en mettant en place un marché mondial de « droits d’émission » (mieux connu comme droit de polluer). Les incitations pour refuser l’instauration de cette « taxe universelle » sont nombreuses. Pour un pays polluant, il s’agirait d’un surcoût dommageable, d’où l’envie d’embrasser le rôle du passager clandestin. Pour réduire cette incitation, il s’agirait de permettre à l’Organisation mondiale du commerce de pouvoir considérer que le non-respect d’un accord global sur la taxation des émissions est un acte de « dumping environnemental » qui peut entraîner des sanctions. Autre problème, il s’agirait pour les pays « émergents » d’une taxe qui freinerait leur croissance, ce qui peut paraître injuste tant les pays développés se sont construits « sur le dos de la nature ». L’idée d’un fond vert qui permettrait des transferts Nord-Sud ou un accès facilité à des « permis d’émission » pourrait y remédier sans remettre en cause la logique d’un système global.

Ecrire à l’auteur : nicolas.jutzet@leregardlibre.com

Crédit photo : © decision-achats.fr

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