Les mercredis du cinéma – Lauriane Pipoz
Alice est une jeune femme fraîchement sortie de ses études de philosophie. Issue d’une filière brillante, elle rêve d’une belle carrière. C’est tout le contraire qui lui tombe dessus, lorsqu’elle déménage à Lyon pour une opportunité professionnelle et qu’on lui annonce que son poste a été supprimé. On l’assigne alors à l’une de ces fonctions parfaitement inutiles: donner des idées au maire, qui n’en possède plus une seule seule après trente ans au service de la politique. Inutile en apparence seulement: Alice va stimuler l’esprit du maire. Mais au-delà du nécessaire pour l’équilibre politique lyonnais.
Le thème d’Alice et le Maire paraît rapidement évident: il s’agit du conflit entre le politique et l’intellectuel. Si la critique du système politique se trouve au centre de ce film, il ne s’agit pas de critiquer un système en particulier: c’est son fonctionnement dans son ensemble qui est visé par le film de Nicolas Pariser. Ce sujet est abordé avec beaucoup de classe: il est montré par des situations concrètes, des dialogues bien construits, et jamais pointé du doigt avec insistance. On pourrait presque y voir une question en filigrane: est-il sain pour un amoureux des idées et de la langue de s’engager dans une voie où les mots sont utilisés comme un simple moyen?
Car l’objet de la critique semble ici bien être le manque d’esprit de la politique. Si cette dernière paraît appeler des personnes qui apprécient réfléchir et chercher des solutions, il s’agira finalement plutôt de savoir les présenter, et au bon moment. La politique telle qu’elle est montrée ici est un écran de fumée, servant à cacher le fait qu’il est plus important de gratter le ventre des fortunés pour obtenir des financements que de chercher un système plus juste.
Le constat est dur, et les victimes collatérales nombreuses. Mais nous parlons ici d’un film français, bien réalisé et avec une bonne distribution: l’ironie est presque l’un des axes du film, constitué par des dialogues fins habilement mis en contraste avec des ellipses, mais surtout des personnages fins mis en contraste avec des personnages stéréotypés. Je me limiterai ici à un exemple, suffisamment parlant: celui d’une étudiante expliquant à quel point la situation est difficile psychologiquement pour les étudiants. Si l’auteure de cet article est mal placée pour ne pas souscrire un tout petit peu à cette idée, elle sait comme beaucoup d’autres que cette victimisation récurrente présentée ici de façon extrêmement caricaturale est pourtant tristement réaliste.
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Enfin, nuançons quand même toutes ces éloges. Si le thème est bien abordé, il l’est de façon un peu fade: on aurait pu souhaiter un peu plus de mordant et un peu plus d’action. Au niveau de la réalisation, quelques rares clichés et explications inutiles pour le propos auraient encore pu être évités pour que le film soit pleinement satisfaisant. Reste tout de même un film intéressant, qui soulève de nombreuses pistes de réflexions: stimulant, sans être époustouflant.
Ecrire à l’auteure: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
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