Article inédit – Jonas Follonier
La quatrième saison de Dix pour cent confirme l’excellence de la série créée par Fanny Herrero. Basée sur le monde des agences d’acteurs, cette production hexagonale désormais disponible sur de nombreuses plateformes parvient à allier divertissement bon enfant et septième art de réflexion. Jusqu’à multiplier les symboles et les doubles sens.
André, Mathias, Gabriel, sans oublier Arlette, Camille, Noémie, Hervé, Sofia et Hicham: les téléspectateurs romands sont sans doute nombreux à les avoir retrouvés sur leur écran. RTS Un a obtenu la primeur pour la diffusion de la nouvelle saison de Dix pour cent, chaque épisode étant présenté sur la chaîne suisse une semaine avant leur passage sur France 2. Montrant de l’intérieur le monde des agences artistiques, la série suit le procédé très efficace d’une vedette du cinéma français jouant son propre rôle dans un épisode sous le mode de l’autodérision.
Si le genre du comique tient une place privilégiée dans cette formule bien trouvée, il en ressort plus fort encore dans le contraste qu’il crée par sa confrontation avec l’autre genre omniprésent dans Dix pour cent, à savoir le drame. La rudesse du monde du cinéma est relativement connue, mais avait-t-on jamais songé à son application au niveau des agents d’artistes, les impresarios dirons-nous pour faire plaisir à l’excellent personnage d’Arlette Azémar (Liliane Rovère)? Non, en tout cas pour la majorité des mortels que nous sommes, incultes et inconscients de tant et tant de choses. L’art, n’ayons pas peur des mots, rend visible par la magie de la représentation des facettes du monde inexplorées par nos lanternes individuelles.
Et c’est bien dans la mesure où il est question de représentation, toujours et encore, que cette série télévisée, qui aurait pu n’être qu’un téléfilm sans grand intérêt, recèle sa plus grande force. En réalité, les actrices et acteurs connus défilant chacun son tour dans les couloirs de l’agence ASK ne sont pas là uniquement pour jouer leur propre rôle. Ils sont là pour dire, par effets de miroir et de mise en abyme sans fin, que leurs agents eux-mêmes sont des acteurs. Puisque Dix pour cent est une fiction, les agents sont interprétés par des acteurs au sens propre. Et dans la vraie vie, les agents sont des acteurs au sens sale.
La quatrième saison, très réussie, ne fait pas exception à cette profondeur de champ philosophique et sociologique. Sans trop dévoiler les petites intrigues qui font le charme de ce portrait collectif, il ne serait pas possible de taire le plus grand coup de génie des scénaristes: la vocation que se découvre le touchant Hervé André-Jezak (Nicolas Maury) pour le métier d’acteur. Du management d’artiste à la comédie, de la diplomatie au carré à la vérité de l’incarnation, du jeu au jeu, d’un «je» à l’autre, cette histoire de coming out non pas en tant qu’homosexuel, mais en tant que professionnel, fait prendre à l’histoire dans l’histoire une tournure initiatique.
La dernière saison en date de Dix pour cent, comptant sur la participation de Charlotte Gainsbourg (étonnante), Franck Dubosc (sincère), José Garcia (sympathique), Sandrine Kiberlain (hilarante), Sigourney Weaver (prodigieuse) et Jean Reno (bouleversant), compte nombre de surprises dans son déroulement. L’exigeante amatrice de bonnes séries françaises comme le mec bon public en quête d’évasion ne pourront se trouver en meilleure compagnie qu’avec ce grand cru, un verre à la main. D’ailleurs, il semblerait que le public et la critique se rejoignent avec raison sur ce coup-là… cela méritait d’être souligné!
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédits photos: © Christophe BRACHET – FTV/ MONVOISIN PROD/ MOTHER PROD