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«M», ou l’amour sans paroles2 minutes de lecture

par Loris S. Musumeci
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«Tu sais comme les maisons incendiées se penchent l’une contre l’autre.»

Lila est sévèrement bègue. Mal à l’aise, moquée et orpheline de sa mère, la jeune fille mène une vie que personne n’envierait. Son visage semble à tout moment épris de tristesse : peu s’en faut pour qu’elle éclate en sanglots. Elle vit dans un petit appartement, avec un père qui passe son temps devant la télévision en robe de chambre et une petite sœur espiègle n’ayant manifestement reçu aucune éducation. Néanmoins, Lila est dotée d’une véritable âme de poète.

De son côté, Mo est un homme de trente ans secrètement analphabète. Son gagne-pain ? Des courses automobiles clandestines avec des gitans. Lui, orphelin de père, a toujours sa mère, mais il a coupé tout lien avec elle depuis qu’elle l’a abandonné. Deux existences incendiées se rencontrent au hasard d’un arrêt de bus. Si le coup de foudre est évident au premier regard, la communication comporte quelques difficultés entre la bègue et l’illettré. Cet amour mouvementé révélera toutefois une fécondité qui assumera la tragédie respective des amants, au prix de déceptions et larmes.

 

Des maladresses

Des larmes, un telle histoire en provoque. Sara Forestier ne paraît pas avoir choisi la facilité en abordant ce sujet. D’autant plus qu’il s’agit de sa première réalisation, où elle incarne en même temps le rôle principal, pour jouer une bègue. Au palmarès des films récompensé pour l’entassement des difficultés, elle tiendrait sans aucun doute la première place. Cela lui a coûté autant de mépris que de louanges. La critique est effectivement mitigée.

M peut déplaire, à juste titre. Un certain nombre de maladresses en sont la cause. Les scènes de passion amoureuse comme celles des disputes violentes durent à n’en plus finir. D’une part, elles polluent la poésie générale du long-métrage, d’autre part elles perturbent le spectateur de façon inappropriée. On a encore souligné d’autres points plus discutables, à savoir un jeu superficiel de Sara Forestier et le versant artificiel de la narration.

Au largué de la vie

M peut aussi plaire, avec pertinence. A des années-lumière de la superficialité, l’interprétation de Lila est défendue par sa justesse, la profonde émotion qu’elle dégage et sa force étonnante naissant au fil de l’histoire. Mo, quant à lui, est davantage épargné des débats par la notoriété de son acteur : Redouanne Harjane. Tout naturellement, son regard sauvage séduit, et sa physionomie de guerrier ne laisse d’autre choix que d’adhérer à son talent.

La photographie met en évidence la pureté que dégage le couple en misant sur une caméra sensible au mouvement, qui marque par ailleurs le trouble des deux amants au moyen d’alternances entre le flou et la netteté. Sous les notes du grand Christophe, la musique donne un rythme électrique et fragile aux silences douloureux d’une bègue, aux absences d’un analphabète. M, somme toute, laisse ressortir quelques défauts; pourtant il promet d’offrir au largué de la vie, qui se trouve en chacun, un espace où déployer la parole.

«Je fais comment moi? Je fais quoi?»

Ecrire à l’auteur : loris.musumeci@leregardlibre.com

Crédit photo: © vdkimg.com

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