Les mercredis du cinéma – Loris Musumeci
«Tu as beau avoir un plan, mais jamais la vie ne se déroule comme prévu.»
La famille Ki-taek vit dans un sous-sol. Pas étonnant puisqu’ils sont pauvres. Leurs revenus sont moindres: ils plient des cartons de pizza chez eux. Et en plus, ils ne le font même pas correctement. On peut donc en conclure qu’il s’agit d’une famille de chômeurs. Pas de malheur pour autant. Les quatre membres sont joyeux et solidaires. Et les choses sont prêtes de changer. Ki-Woo, le fils, décroche via l’aide d’un ami et d’un faux diplôme un poste d’enseignant particulier d’anglais au sein de la richissime famille Park. Peu à peu, toujours par des mensonges, arnaques et supercheries, Ki-Woo fait entrer dans la maison sa sœur, son père et sa mère. Tout le monde travaille désormais pour les Park, mais jusqu’à quand? Et à quel prix?
Bong Joon Ho a décroché la Palme d’or pour Parasite. On ne peut pas reprocher au film d’être inintéressant. Il est même assez drôle et très métaphorique. Un peu trop même. Le réalisateur coréen est un poète; cela transparaît dans le film. Mais un poète qui maîtrise mal ses figures de style. Ou peut-être qui les maîtrise trop, et qui en use et en abuse. Toute la morale du film se construit en effet sur le décalage entre le haut et le bas. Il y a ceux qui vivent en haut, il y a ceux qui vivent en bas. Il y a les riches, il y a les pauvres.
Les riches sont forcément honnêtes, parce qu’ils peuvent se le permettre. La vertu n’a pas de prix, sauf quand on peut la posséder. Les pauvres ne sont pas vraiment méchants, mais malins et malicieux. Il faut bien trouver un moyen de vivre après tout. Quitte à tomber dans l’illégalité, quitte à détruire autrui, même s’il est pauvre aussi. Ce tableau que dresse Bong Joon Ho dans son scénario n’est pas des plus originaux; il garde néanmoins le mérite de poser un vrai sujet social tout en offrant une réflexion à son spectateur.
Au niveau de la photographie, rien de magnifique, mais des plans bien filmés. Notamment quand il s’agit de plonger dans l’univers des pauvres qui est rendu avec charme et authenticité à travers la caméra. En outre, les petits instants de la vie quotidienne sous la lumière hypnotisante des téléphones portables font preuve d’une vraie beauté, plus qu’enthousiasmante. D’ailleurs, l’éloge pourrait s’élargir à la maîtrise de toutes les lumières du film en général. Sombre, elle traduit tantôt l’angoisse, tantôt la soif de liberté.
Mais est-ce que tout cela suffit à remporter une Palme d’or? Clairement, non. On ne peut pas dire que Parasite soit un mauvais film, ni qu’il soit désagréable à regarder. Son brin de folie est même assez exceptionnel. Jusqu’à ce que le long-métrage devienne décidément trop long et qu’il tourne au vinaigre. Qu’il vire au grand n’importe quoi. La Palme, encore fraîche pour la majeure partie du film, se fane à la fin. Le réalisateur en fait trop, les acteurs en font trop, le scénario exagère. On passe d’un film assez fin, comme une palme, à un film gros comme une montagne.
Crédits photo: © Filmcoopi
Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com
PARASITE |
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COREE DU SUD, 2019 |
Réalisation: Bong Joon Ho |
Scénario: Bong Joon Ho |
Interprétation: Song Kang-Jo, Lee Sun-kyun, Cho Yeo-jeong |
Production: Kwak Sin Ae |
Distribution: Les Bookmakers et The Jokers |
Durée: 2h12 |
Sortie: 5 juin 2019 |