Les mercredis du cinéma – Lauriane Pipoz
La mère de Bridget, atteinte d’alzheimer, sort et se perd dans la ville un soir de blizzard. Inquiet, le père de Bridget appelle le frère de cette dernière, qui les rejoint ensuite. Sa mère sera vite retrouvée, mais la décision de la mettre ou non dans un hôpital plane au-dessus de la famille. Et réveillant les rancunes, entreprend de la déchirer.
Le premier film réalisé par Elizabeth Chomko s’appuie l’histoire de sa propre famille: elle déclare qu’il s’agit d’un «poème d’amour» pour cette dernière. Et c’est très réussi: les personnages sont touchants et l’histoire est racontée avec beaucoup de maîtrise.
A la recherche du bonheur
L’intrigue principale est construite autour de l’opposition entre Nicki, le frère de Bridget, et leur père: si le premier est convaincu que sa mère doit être mise dans un hôpital spécialisé, le second ne l’entend absolument pas de cette oreille. On se prend extrêmement vite d’affection pour le vieil homme refusant d’abandonner sa femme. On ne peut que souscrire à ses paroles lorsqu’on l’entend répéter que l’amour est un engagement et on partage sa détresse.
Mais d’autres enjeux font leur apparition. Le vieux patriarche semble avoir gardé une nette tendance à vouloir contrôler la vie de ses enfants et à les juger. Chacun d’eux a adopté une réponse différente à cette attitude. Ce qui créé de nouveaux conflits et les pousse à remettre en question leur façon de voir leur propre vie.
Ces personnages à la recherche du bonheur font face à des questionnements qui nous assaillent chaque jour. Tellement touchants, car tellement banals. Aucun ne semble idéalisé: on voit qu’ils essaient tous de bien faire, mais n’y parviennent pas. Bridget, protagoniste principal, semble particulièrement murée dans sa solitude.
Un film très fin
Si certains sentiments sont verbalisés lors de dialogues, d’autres sont également suggérés par des plans plus lents ou des ellipses. Ce dernier élément offre une grande finesse au film, qui échappe au travers d’une histoire qui traîne en longueur. Le rythme s’alterne; de nombreux événements surviennent, mais qui ne poussent pas le spectateur à se sentir brusqué. Au contraire: il semble parfois suspendu dans l’histoire, avant d’être pris dans une nouvelle scène.
La musique est douce et sobre, et le film est également ponctué par des teintes de légèreté. Les membres de la famille rient à de nombreuses reprises, montrant qu’il n’est pas indispensable de prendre tout au sérieux. Ces scènes sont parmi les plus touchantes. Elles traduisent les dissensions entre les personnages puisqu’ils ne rient pas tous au même moment, mais permettent également d’apporter une touche positive malgré la lourdeur du thème. Un thème très dur, mais traité avec beaucoup de classe.
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
Crédit photo: © Impuls Pictures
What they had |
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Etats-Unis, 2018 |
Réalisation: Elizabeth Chomko |
Scénario: Elizabeth Chomko |
Interprétation: Hilary Swank, Michael Shannon, Robert Forster |
Production: Bill Holderman, Unified Film Fund II |
Distribution: Bleecker Street |
Durée: 1h41 |
Sortie: 24 avril 2019 |