Il y a le changement climatique. L’augmentation de la population mondiale. L’épuisement des ressources. Des faits que personne ne peut nier en tant que tels. Il y a aussi l’extension du domaine de la laideur, la hausse de la criminalité, l’abrutissement de la société, des phénomènes dont l’existence, pour le coup, ne fait pas l’unanimité, mais qu’une part significative des peuples occidentaux ressent intimement. Tous ces faits ou faits supposés ont un point commun: ils peuvent être considérés comme des raisons de croire à une fin prochaine du monde. Rien que ça. Si l’idée peut éventuellement faire sourire, une plongée dans cet univers conceptuel nous a fait découvrir ses sérieuses ramifications.
Notre nouveau numéro est disponible: Le Regard Libre N°89 | Dossier fin du monde
Personnes en détresse, intellectuels inquiets, simples êtres humains ayant des préoccupations politiques, philosophiques, spirituelles: il n’y a pas de profil type du croyant à la fin du monde. Pas plus qu’il n’y a de candidats idéaux pour adhérer à des théories millénaristes, comme nous l’explique le spécialiste des sectes Jean-François Mayer dans notre entretien où il est grandement question de ces mouvements apocalyptistes.
Fin du monde, fin du mois et fin du moi
La thèse d’une fin du monde a été moquée par des mouvements sociaux comme les «gilets jaunes», réclamant qu’on s’occupe plutôt de leurs fins de mois. Quand il n’y a plus rien pour payer les factures, les conjectures sur un grand bouleversement planétaire ont effectivement de quoi paraître secondaires. Or, la crise énergétique actuelle vient nous rappeler qu’une facture d’électricité peut directement dépendre de grands événements mondiaux et, en l’occurrence, tragiques.
Dans ce numéro, Enzo Santacroce se livre à une autre comparaison: celle entre fin du monde et fin du moi. Pour notre journaliste, en effet, la crainte d’une apocalypse a sans doute avoir, au moins dans certains cas, avec un certain malaise individuel, une peur de sa propre finitude. C’est en tout cas ce qu’il a pu tirer, en bon enseignant en philosophie, d’une lecture de Karl Jaspers.
Vigilance à l’égard de la vigilance
On trouve dans la littérature et l’art en général diverses illustrations de cette thématique aussi vertigineuse que celles de la naissance de l’univers ou du sens de la vie. Quentin Perissinotto a mis en relation deux romans récents d’auteurs français confirmés qui se sont saisis de la thématique. Aude Robert-Tissot, quant à elle, s’est intéressée aux liens entre art et technologie que met en lumière une exposition d’art contemporain, utile pour réfléchir à l’avenir du monde.
La contradiction est bien sûr toujours au rendez-vous. Par exemple avec le format «Regards croisés» de Guillaume Heck sur la théorie économique de la destruction créatrice. Mais aussi avec la présentation de la sphère intellectuelle des collapsologues, confrontés à la vision opposée des éco-modernistes, par Antoine-Frédéric Bernhard.
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A ces réflexions s’ajoute deux réalités: l’humanité a plusieurs fois failli s’éteindre, ce qui justifie une certaine vigilance; des prophètes de malheur ont donné lieu à des drames, ce qui nous prévient en même temps des risques du passage de la théorie aux actes.
Bref, la fin du monde est un monde sans fin. C’est ce que nous voulions montrer au travers de ce dossier. Bonne lecture!
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
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