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L’heure des pros du journalisme3 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Le Regard Libre N° 51Jonas Follonier

Au sein du paysage télévisuel français, certaines émissions cultes telles qu’ «On n’est pas couché» déçoivent. Nombreuses sont les personnes qui, sur Internet, dans les cafés ou même sur les plateaux de télévision, justement, affirment que le célèbre talk-show de Laurent Ruquier n’est plus ce qu’il était. La raison? Le téléspectateur n’est plus surpris; le caractère attendu des prises de parole a pris le dessus, alors même que ce rendez-vous hebdomadaire reste une référence culturelle pour un certain public.

Si le générique et le plateau de l’émission n’ont pas changé en plus de dix ans, force est de constater que son climat intellectuel, lui, s’est bel et bien modifié. Comptant jadis sur la force décapante de chroniqueurs tels qu’Eric Naulleau, Eric Zemmour, Natacha Polony ou Aymeric Caron, la formule actuelle se retrouve en cruel manque de pluralisme et d’originalité dans les interventions. Il ne s’agit pas de dénigrer l’émission, mais un constat est partagé même par les personnes qui continuent à regarder l’émission (et j’en fais partie): l’entre-soi bobo qu’on lui collait, jadis, à tort semble être devenu aujourd’hui une réalité.

Ce phénomène est symptomatique d’une restriction progressive du champ de la pensée, dont l’un des effets est de rendre la température des médias publics toujours plus tiède. Il est en effet intéressant de constater qu’il faut désormais aller du côté des télévisions privées pour trouver des moments de télévision avec moins de fadeur. Que ce soit sur de grandes chaînes populaires comme celles du groupe Canal+ où l’on peut par exemple se délecter chaque jour des débats stimulants de L’heure des pros de Pascal Praud, ou sur de petites web-télés indépendantes telles que Polony TV, Onfray TV, Komodo.TV ou la nouvelle REACnROLL TV.

Que l’on aime ou non les sensibilités qui s’expriment dans ces nouveaux temples de la contradiction, il est indubitable que le débat d’idées perd de son sens quand «idée» devient un mot au singulier. C’est malheureusement ce qui est en train de se passer dans les grandes institutions médiatiques, au même titre qu’académiques et artistiques. Il conviendrait que plus d’éditorialistes dénoncent ce paradoxe manifeste dont on a l’exemple chaque jour: celui d’un milieu où l’on ne cesse de militer pour l’ouverture, la tolérance et la liberté et où l’on se montre en même temps le plus farouche adversaire de ces concepts quand il faut passer de la parole aux actes. Triste constat, certes, mais constat quand même.

Cette petite réflexion sur les télévisions françaises permet d’apporter un autre éclairage sur un processus que le journalisme helvétique connaît bien. Si la partie alémanique de notre pays se porte mieux à ce niveau-là, la Suisse romande peine à maintenir la qualité intellectuelle qu’avaient jadis ses divers médias, à la télévision comme dans la presse écrite. Une routine s’impose peu à peu dans le choix des sujets, dans celui des voix qui s’expriment. Ce qui est très dangereux puisque la diversité et le sens critique permettent justement d’apaiser les esprits et d’éviter que les citoyens ne murissent des frustrations.

Le diagnostic étant posé, que faire? Dénoncer corps et âme la mort des débats? Cela ne suffit pas et, après réflexion, je commence à me dire que pointer du doigt n’est pas la chose à faire. Mieux vaut concentrer ses efforts sur une démarche positive, en étant créateurs plutôt que détracteurs. En profitant de la montée des médias indépendants pour proposer de la chair, des nerfs, des neurones, de la verve, de la sève et du rêve. En multipliant les contenus fouillés mais accessibles, les rencontres inattendues, les points de vue variés. Voire en changeant le système de l’intérieur.

L’heure des pros du journalisme est arrivée. Saisissons cette opportunité. Le moment est venu de professionnaliser encore plus cette famille de métiers et d’activités, en comptant paradoxalement sur les non-professionnels autant que sur les professionnels. Amateurs ou titulaires de je ne sais quel diplôme, tout cela n’est pas important. Puissions-nous privilégier plutôt les valeurs d’honnêteté intellectuelle, d’originalité, de détermination, de curiosité intellectuelle, de sensibilité humaine. Et j’ai comme l’impression que cet élan est en route.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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