Chaque mois, retrouvez la chronique d’une des personnalités qui nous font le plaisir de prendre la plume en alternance. Le youtubeur Ralph Müller livre son analyse cinglante d’un phénomène typique de l’époque.
Durant quatre ans, j’ai travaillé comme assistant-doctorant au département de langue et littérature françaises modernes de l’université de Genève. Je dispensais un séminaire par année et j’effectuais un travail de recherche sur la manière dont le ton se manifeste à l’écrit.
Puis, des circonstances très particulières dont nous avons tous le souvenir vinrent bouleverser un parcours qui semblait plus ou moins tracé: un virus têtu fit son apparition qui nous assigna à résidence pour quelques semaines.
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Travaillant depuis chez moi, je passai alors plus de temps que d’habitude sur mon téléphone et sur YouTube. A force de regarder des vidéos, un vieux désir resurgit: celui d’en produire moi-même.
Etudiant déjà, j’étais frustré du peu d’effet que nos filières avaient sur la vie publique. J’avais tôt remarqué que les articles et livres des professeurs que j’estimais tant ne sortaient jamais des murs de nos facultés, et du cercle très restreint de leurs confrères. Pourtant, j’étais convaincu que les sciences humaines avaient quelque chose à dire du monde, par-delà les stricts objets de nos enquêtes spécialisées. Que notre regard et notre sensibilité pouvaient apporter quelque chose dans la discussion des problèmes les plus pressants.
A la faveur des circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvions alors, je fis le pas et, posant mon téléphone tant bien que mal sur mon bureau, je filmai ma première vidéo. Je la fis très vite suivre d’une deuxième qui rencontra un succès inattendu, et ce fut alors le début d’une aventure qui se poursuit quatre ans plus tard.
Mon intuition s’est avérée, et j’ai eu l’occasion d’apprécier l’enthousiasme que nos outils et nos méthodes pouvaient susciter chez les gens, ravis qu’on leur parle de phénomènes qui les concernent dans une langue prenant racine dans ce qu’on a de plus humain. Rapidement, la recherche universitaire me parut fade au regard de ce que je pouvais transmettre via ma chaîne. Loin de moi l’idée de dénigrer cette dernière, mais j’ai compris qu’elle n’était tout simplement pas faite pour mon tempérament.
J’ai donc décidé, l’année dernière, d’abandonner ma thèse et mon poste pour me lancer en indépendant sur Internet. Continuant de développer ma chaîne, je construis en parallèle une école en ligne, où je propose des cours centrés sur la maîtrise et le perfectionnement de la langue écrite et parlée. A l’heure actuelle, j’ai sorti une formation qui porte sur la lecture et s’adresse à toute personne souhaitant de faire de la lecture une pratique régulière. Je crois que la lecture est la base de la maîtrise du langage, et d’un esprit bien portant. Par la lecture, on chemine à travers des univers et des idées autrement plus fructueux que le déluge d’informations stériles qui nous submerge tous les jours.
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Aimant écrire, je tiens également une newsletter par le biais de laquelle j’envoie un texte chaque mercredi, sur des sujets divers que je puis au gré de mes humeurs et de mes intérêts.
Finalement, j’ai dans ces chroniques pour Le Regard Libre un autre lieu d’expression idéal où m’adonner à l’écriture, dans une veine ici un peu plus taquine.
«Tu fais Lettres, tu vas faire quoi après…?». Combien de fois n’ai-je pas entendu cette question. Et il est vrai que les débouchés ne foisonnent pas… Il s’agit peut-être de les construire, et de montrer, concrètement, pourquoi les humanités ont une valeur inestimable.
J’ai eu suffisamment l’occasion de constater qu’on les accueille à cœur ouvert quand on veut bien les rendre audibles.
Ralph Müller est youtubeur et formateur. A partir de la prochaine édition, il livrera chaque mois son analyse cinglante d’un phénomène typique de l’époque.