Bien qu’elles ne concernent qu’une faible partie de la population, les questions de genre semblent diviser l’opinion publique et s’immiscer au cœur des débats de société. Et pour cause, elles touchent à un enjeu civilisationnel: la notion de vérité.
«Une femme est toute personne qui s’identifie comme femme.» Telle est la définition à laquelle se heurte Matt Walsh dans le documentaire What is a woman?, où le commentateur américain interroge différents experts sur cette question apparemment simple. Walsh insiste: «Et elles s’identifient comme quoi?» Ce à quoi on lui répond: «comme femme». Mais si le concept de femme signifie autant de choses que de personnes qui s’y identifient, alors pourquoi utiliser ce seul et unique terme?
La circularité de cette définition, qui résume bien la théorie du genre, révèle une réticence à donner une signification au concept de femme. Sans doute l’objectif est-il de laisser place à une liberté totale dans laquelle chacun peut s’y identifier selon sa propre conception. Il n’empêche que le terme «femme» perd tout pouvoir descriptif, faisant de la théorie du genre une manifestation contemporaine du relativisme.
Incohérences au cœur de la théorie
La théorie du genre est fondée sur la critique d’une prétendue confusion: contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sexe et le genre seraient deux notions complètement dissociées. Une femme trans serait une personne dont le sexe biologique est masculin, mais l’identité de genre féminine. Or, en affirmant que «les femmes trans sont des femmes», le terme «femme» est utilisé pour désigner à la fois le sexe et le genre, ce qui fait de cette théorie la première victime de la confusion qu’elle dénonce. L’affirmation «les femmes trans sont des femmes» s’avère donc une tautologie, que l’on peut traduire par «les personnes de sexe masculin qui se sentent être des femmes, se sentent être des femmes».
De ce refus de définir les termes fondamentaux, découlent des incohérences au sein de la théorie. Le genre est tantôt considéré comme une construction sociale, – un facteur externe qui permet une certaine flexibilité –, tantôt comme un attribut strictement intime et dont on ne peut se défaire, contraignant ainsi les personnes souffrant de dysphorie de genre à transitionner si elles souhaitent accorder leur identité à leur expression de genre.
Cette ambiguïté est levée par la notion de fluidité du genre, c’est-à-dire la tendance de l’identité de genre à changer au fil du temps. Or, cet argument introduit une nouvelle incohérence: pour certains, le genre serait fixe, et pour d’autres, il serait fluide, ce qui implique des divergences au sein de la théorie concernant la nature même du genre.
Un combat contre le relativisme
Les théoriciens du genre se complaisent toutefois dans leurs contradictions, car la vérité leur importe peu. A l’image de Judith Butler – l’une des figures majeures de ce courant – qui, dans un entretien accordé à Big Think en juin 2023, admet qu’elle n’est «plus intéressée à savoir quelle théorie est vraie ou fausse». Elle subordonne la vérité à la compassion en présumant, par principe, que seules la reconnaissance et l’affirmation du ressenti permettraient à l’individu de se libérer de sa dysphorie. Peu importe si l’on est une femme ou non. Ce qui compte, c’est que l’on se sente femme, même si l’on est incapable de dire ce que cela signifie.
Le genre ne fait ainsi référence à aucune réalité objective, démontrable, ou mesurable en dehors de l’identité de genre, inaccessible à tous sauf à l’individu par un mystérieux sentiment. Questionner ce sentiment reviendrait à attaquer l’identité de l’individu, et par là même à exacerber sa souffrance. Toute tentative de définir le genre est donc reçue comme transphobe, et le seul moyen d’échapper à cette accusation est d’ignorer les incohérences inhérentes à la théorie.
Croire. Voilà ce que la théorie du genre exige. Non pas en Dieu, mais au ressenti, que la théorie a sacralisé. Il ne s’agit plus de se fier à sa raison pour croire qu’une proposition est vraie, mais au contraire, de suspendre son jugement. Loin de représenter un progrès, cette approche marque un retour au dogmatisme qui menace la notion de vérité, chère aux cultures imprégnées par l’esprit des Lumières.
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